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† VINGT-SIX †

Lehb est injoignable. J'ai passé la matinée à le harceler par téléphone, pourtant, aucune réponse de sa part. Je lui ai laissé une tonne de messages vocaux, le priant de m'excuser de l'avoir abandonné, me rabaissant comme une idiote avec l'espoir qu'il m'aide par tous les moyens.

Toujours rien.

C'est vers les coups de midi que je réalise qu'il ne me décrochera probablement pas. Il est vexé et je peux le comprendre. Mais j'ai vraiment besoin de lui ; beaucoup trop. Et si je ne peux pas le contacter par téléphone, je dois trouver une autre solution. Réfléchis, Sephora... Réfléchis... Où pourrais-je le trouver ?

Peut-être à son travail.

Je me souviens que Lehb m'avait dit travailler à la bibliothèque de Traverse City, là où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. À cette heure, il est peut-être parti en pause, mais tant pis. J'attendrais son retour, s'il le faut. Regonflée à bloc et mes photos précieusement gardées dans mon smartphone, je prends la route de la bibliothèque.

Plus j'avance sur le trottoir baigné par la lumière du soleil, plus je me sens étrangement différente. Sans savoir pourquoi, j'ai l'impression viscérale que tous les passants me regarde, me juge. Comme s'ils savaient des choses horribles sur moi. Je peux avouer que ma pâleur, ces derniers temps, est à son summum. Accentuée par mes cernes immenses et violacés, je dois inspirer la crainte et la méfiance. On a moyennement envie d'approcher une fille ressemblant à un spectre tremblant de froid.

Arrivée à la bibliothèque, mes pas me guident automatiquement vers le guichet central. Rien n'a changé depuis la dernière fois que j'y suis venue. Toujours le même silence pesant, la même affreuse moquette, et surtout, toujours la même vieillarde clouée derrière le comptoir. Seulement, pas de Lehb en vue. Essoufflée par ma marche rapide, j'hèle immédiatement la femme hors d'âge, attirant ses yeux plissés de mécontentement à l'idée d'avoir été dérangée durant sa lecture de Charles Dickens.

— C'est pour quoi ? me grince-t-elle, à voix basse.

— Pardonnez-moi, je voulais savoir si Lehb travaille, aujourd'hui.

De derrière ses gros verres, la septuagénaire me guette avec circonspection. Ses yeux minuscules disparaissent presque sous ses rides.

— J'ignore de qui vous parlez.

Sa réponse m'offre la même expression confuse. Ai-je mal compris ? Ou ma tête clarifie un mirage qui n'a pas lieu d'être ? Ou alors, elle ne veut tout simplement pas discuter avec moi. Désespérément, je tente d'insister :

— Vous savez, Lehb... Lehb Epgor, un grand roux aux yeux verts. Il porte souvent des chemises à carreaux et boit beaucoup de café, aussi. Il travaille ici et même son bouquin y est exposé.

— Son livre ?

— Oui, il est écrivain. Son manuscrit s'appelle « Légendes d'Outre-Tombes » et relate des témoignages paranormaux. Je l'ai vu et lu ici. S'il vous plaît, regardez dans l'ordinateur.

Méfiante, la vieille dame pianote quelques touches sur son clavier, cherchant probablement ma demande. Je suis perdue. Je veux bien que cette bonne femme soit âgée, mais pas au point d'être sénile ou Alzheimer. Elle n'a pas pu oublier son employé. Quelque chose cloche, je le sens, et mes doutes se confirment lorsqu'elle relève ses lunettes sur moi.

— Je ne trouve rien sur ce livre, nous ne l'avons pas dans nos listes. Et je ne connais pas de Lehb Epgor, mademoiselle.

— Mais... Il m'a dit qu'il travaillait ici...

— Il vous a certainement menée en bateau, ma jolie. C'est bien les hommes, ça...

Ma contenance en prend un coup. Un gros coup. Lehb m'aurait... menti ? Pourquoi ? Pourquoi m'avoir menti sur son statut, sur son travail ? Qu'est-ce que ça lui apporte ? Je recule d'un pas malgré moi, comme si je souhaite fuir cette honte magistrale d'avoir été si simple d'esprit. C'est à ce moment que j'entends un ricanement en écho, dans mon dos. Une glaçante moquerie.

Une évanescence horrifiante vibrant dans la gorge des enfants et résonnant dans mon crâne.

Sans prendre la peine de dire au revoir, je m'échappe de cet endroit et cours sans même savoir où je vais. Je tremble de toutes parts, mon âme se consumant dans un feu de questions. Pourquoi, Lehb ? Où es-tu, désormais ? Pourquoi t'être foutu de moi ? Depuis le début... Il n'a jamais été bibliothécaire, ni même un vrai écrivain. Il n'a peut-être même pas d'appartement ici, comme il me l'avait dit ! Je ne l'ai jamais vu de mes propres yeux, c'est donc possible. Je ne peux pas le croire, tout ce qu'il m'a raconté est remis en question. Ma confiance aussi.

Je me sens trahie, écorchée.

Je n'ai pas cessé de courir, ni même de pleurer. Mes enjambées zigzaguent entre les passants, en bousculant parfois certains à l'épaule. Je m'attire leur foudre, mais je m'en fiche. Je veux voir Lehb. Je veux lui parler et lui demander des explications. J'en ai besoin pour clarifier ce brouillard qui englobe ma malheureuse tête. J'en ai tant besoin... avant de sombrer dans la folie...

Or, dans mon sprint à l'aveuglette, je finis par heurter quelqu'un.

Il fallait s'en douter. Je pars en arrière et manque de tomber. L'homme que j'ai cogné grogne et m'insulte. Apparemment, vu mes vêtements collés de sucre, j'ai renversé son soda par la même occasion. Enfin, dissipant ma surprise, je relève les yeux pour voir celui qui me peste depuis une poignée de secondes.

Je rêve... Shayne ?

Oui, c'est bien lui... Je reconnais son teint brun, ses yeux noirs et ses boucles de sale gosse. Pourquoi je tombe spécialement sur lui ? Sur les quatorze mille cinq cent trente-deux habitants de Traverse City, il a fallu que ce soit lui qui me tape dedans ! Je n'avais pas besoin de ça... Pas besoin de le revoir, il m'a assez fait souffrir. Et lorsqu'il me remarque enfin, son expression de dégoût augmente à l'en défigurer.

— Putain, qu'est-ce que tu fous là, toi ? T'en a pas marre de me coller au train ?

Qu'est-ce que je devrais dire, moi... Le hasard fait parfois très mal les choses, mon chou.

— Tu n'es pas assez intéressant pour que je te colle au train, lui répondé-je, acerbe.

— En attendant, c'est bizarre que je tombe toujours sur toi ! À croire que tu me suis ! Tu m'attires que des emmerdes, alors disparaît !

— C'est moi qui t'attires des emmerdes ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité, mon vieux ! C'est à cause de toi si j'en suis là !

— C'est pas à cause de moi si tu es dingue, Sephora ! C'est de ta faute !

Il nous donne en spectacle et je déteste ça. Sur le trottoir, les passants nous évitent, nous guettent sous le nez, se demandant fondamentalement pourquoi nous réglons nos comptes ici, en pleine rue. Moi-même je me le demande. Je n'en ai pas envie. Vraiment pas !

— Ma vie part totalement en cacahuète depuis notre séparation. Casey m'a quitté parce qu'elle a peur que tu lui fasses du mal. Tu te rends compte ? La dernière fois, au café, tu l'as traumatisée !

Ça me fait une belle jambe de savoir que sa jolie blonde a peur de moi. Or, ma haine se bloque dans ma gorge, obstruant mes mots qui n'arrivent plus à sortir.

— Alors je te demanderai de ne plus jamais t'approcher de moi, Sephora. Tu portes malheur ! Fais-toi soigner, putain ! Sale folle !

Crispé de colère, Shayne recule peu à peu sur la route pour rejoindre l'autre trottoir. Il continue de m'insulter, me rabaisser devant un public qui me juge ouvertement des yeux. Qu'ils aillent tous au diable ! J'espère sincèrement qu'ils vont regretter leurs pensées à mon sujet dans la douleur et le malheur ! Ma haine arrive au sommet de la jauge de mon humeur. La voix de Shayne est comme la chaleur qui la fait monter, monter, monter...

C'est à ce moment-là que j'aperçois Myrtle, debout sur la rue d'en face. Qu'est-ce qu'elle fait ici ? Sa colonne vertébrale tordue et ses genoux en croix, elle me fixe en souriant de manière sournoise. Son sourire est démesuré, bancal comme peut l'être son corps. Sa coupe carrée et bouffie ne bouge même pas, malgré la petite brise qui souffle. Les gens passent à côté d'elle, sans même la remarquer. Une vague d'incertitude me ceint, tout à coup... Un mal-aise aigu qui m'oppresse la poitrine.

Il va se passer quelque chose.

Automatiquement, mes yeux se posent à nouveau sur Shayne. Il n'a pas fini de me cracher ses méchancetés. En posant un autre pied en plein sur la chaussée, il tire son venin sans prendre cas aux regards. Et moi... Je ne vois plus qu'une chose : le bus.

Le bus qui fonce sur lui, au bout de la route.

J'ai envie de crier, de l'arrêter, même de l'attraper par le col de son pull. Or, je suis pétrifiée, totalement hors de mon corps. La même paralysie que dans ma salle de bain, lorsque j'ai fais face à Evan. J'essaye de lever un pied, mais tel un poids de quatre tonnes, il ne bouge pas. De l'autre côté, Myrtle me fait un signe d'au revoir avec sa main. Est-ce à moi qu'elle le fait ? Ou... à Shayne ?

Seigneur, Shayne... S'il te plait... Bouge. Part. Je t'en prie ! Seulement, il est trop absorbé par sa rage et ne porte pas attention au danger. Il me hurle alors une dernière phrase :

— T'as pourri ma vie, ben tu sais quoi, salope ? T'as qu'à crever !

Sous mes yeux impuissants et humides, j'assiste au regard écarquillé et à l'expression de terreur de mon ex petit-ami qui, l'ayant vu trop tard, n'a pas eu le temps d'éviter le bus arrivant à une allure surnaturelle. Il lui ai rentré dedans de plein fouet dans un bruit atroce d'os brisés. Un filet de sang m'a giclé dessus, lacérant mon haut jusqu'à mon visage. Des gouttes grimpent jusqu'à ma pommette et glissent sur mon menton. Je ne prends même pas la peine de l'essuyer.

Shayne...

Toujours inapte à bouger, mon souffle se perd, mes yeux s'arrondissent et se gorgent d'effroi devant sa mort. La foule autour de moi hurle dans un concert d'horreur devant ce violent accident. Des gens se ruent au chevet de ce qui reste de mon ex. Et moi... Je suis piquée sur le goudron, fixant inlassablement la trace rouge et poisseuse qui tapisse le chemin. Des morceaux de chair s'éparpillent ça et là, détachés de leur corps d'origine qui n'est plus qu'un tas de bouillis sanguinolente. Un attroupement se forme rapidement dans le tumulte de cris et de pleurs.

Leur détresse n'entre pas en moi.

Voir l'exécution de Shayne a brisé mon ultime barrière, réveillant quelque chose de bien plus... sombre en moi. Telle une goutte d'encre tombée dans l'eau, mon âme a accueilli une part de noirceur édifiante. Je ne verserais pas une larme, ne pousserais pas un cri pour cet homme que j'ai pourtant tant aimé. Non... J'ai enfin compris.

La mort... Ce n'est pas la mienne qui m'aidera à découvrir ma vérité... Mais bien celle de quelqu'un d'autre. Les mots d'Evan s'éclaircissent comme en plein jour, désormais ; je serais l'épée qui assouvira cet acte. Il n'y a aucun bouclier, seule l'épée ; moi, Sephora.

Il a fallu que je goûte à la vue parfaite du trépas pour le comprendre.

Un sourire nait au coin de ma bouche. Si je veux savoir, je vais devoir trouver quelqu'un a tuer avant de perdre sérieusement la raison. C'est le seul moyen, j'en ai la conviction. Le seul moyen de recouvrer ma vie et d'être enfin en paix avec les secrets que l'on m'a trop longtemps cachés.

La mort... Elle n'a jamais parue aussi belle à mes yeux.

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