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Vers le Nord 3/8

Jaya et Symphorore étaient étendues sur le sol, leurs corps écrasés sous le tronc. Elles reprenaient à peine leurs esprits, essayant de trouver leur souffle et de comprendre ce qui venait de se passer. Elles tentèrent de s'en dégager, essayant de bouger leurs membres endoloris pour se libérer de l'emprise du poids, sans succès. L'une des extrémités était bloquée contre la paroi de schistes.

— On est coincées ! dit Jaya.

— Essayons ensemble !

Leurs mains tremblaient alors qu'elles essayaient de pousser de concert. Le tronc vacilla et retomba lourdement sur elles, à l'instar de quelques pierres coupantes. Jaya soupira d'effort, déplorant ses bras maigres et sans muscles, avant de sentir un bout de museau humide frôler sa joue.

— Liloïa ! Aide-nous, je t'en prie !

La dragonne, ayant vu le troll s'en aller, était sortie de sa cachette pour rejoindre sa maîtresse avec qui elle se sentait en sécurité. Un gazouillement fit vibrer sa gorge, comme si elle tentait de lui expliquer à quel point elle avait eu peur. Seulement, Jaya était pressée par le temps, tout comme Symphorore dont le visage enflait et rougissait à mesure qu'elle poussait pour décoincer le tronc.

— Le tronc ! Liloïa, aide-nous à le soulever ! clama la princesse, alors que la néréide la reniflait en piétinant. Non, pas moi, le tronc !

Liloïa pencha la tête sur le côté, puis se tourna vers les racines sèches à l'extrémité du morceau de bois dur. Le mouvement que répétait Jaya eut l'effet d'amuser la dragonne qui, bondissant comme un lapin, voulut en faire de même. Cela semblait être un jeu amusant ! Elle posa sa tête au pied des racines et usa de sa force frontale pour lever le tronc.

Une fois dégagées, les filles se relevèrent lentement, contusionnées, et regardèrent le fond du sentier avec crainte et appréhension. Les traces de pas du troll s'y enfonçaient. Paniquée, Symphorore se griffa le visage devant la terrible évidence.

— Ce truc a pris les garçons ! Ils sont entre les mains de ce géant surpuissant ! J'ai jamais vu une telle créature ! Qu'est-ce qu'on va faire ?

— On doit aller les chercher, on peut pas les laisser comme ça !

Symphorore pivota vers Jaya, ses yeux, alors qu'elle fixait le sentier, brillaient de rancoeur. Elle serrait fort ses poings, dévorée par l'inquiétude. Impuissante, la fille aux nattes s'affola.

— Je suis d'accord, mais comment on va s'y prendre ? Tu as vu ce machin ? Sa violence n'a pas de prix ! On risque d'y rester...

— Si on les laisse, ils risquent aussi de mourir !

Symphorore baissa la tête. Elle avait raison... Tellement raison. Sa peur et les battements fous de son cœur lui faisaient dire n'importe quoi. Tout ce qu'elle voulait, c'était retrouver son frère et Amaros et être en sécurité. Elle susurra alors, d'une petite voix désarmée :

— Qu'est-ce qu'on fait, alors ?

— Nous ne pouvons pas simplement nous lancer tête baissée. Nous devons trouver une stratégie.

— L'arbalète ne semble rien lui faire, donc l'attaquer aux armes ne sert à rien. Ce truc a une peau impénétrable !

Elle n'avait pas tort. Visiblement, ce troll était inébranlable, mais tout avait une faiblesse. Absolument tout. Elles devaient simplement la trouver. Les yeux de Jaya se rétrécirent avec concentration et ses lèvres se pressèrent en une ligne serrée alors qu'elle levait la main. L'air autour d'elle semblait crépiter d'énergie alors qu'une douce lueur bleue commençait à rayonner du bout de ses doigts, une indication claire de la force pure de sa détermination.

— Si les armes ne marchent pas, alors on comptera sur la magie.


Tiordan et Amaros avaient été traînés de force dans la grotte du troll, une sombre et lugubre caverne empestant la charogne. Au bout d'un temps, les garçons ne se débattaient même plus, mais reprirent de plus belle quand le soleil autour d'eux s'éteignit. Cet endroit était plongé dans le noir, à tel point qu'on y voyait presque pas les stalactites qui pendaient au plafond, menaçant de tomber à chaque nouveau pas du troll.

Les deux garçons furent jetés au fond de la caverne froide, un endroit encore plus humide que le reste de la grotte. Le sol qui les avait durement accueilli était recouvert de pierres et de cailloux, tandis que les murs revêtaient des nuances verdâtres par la mousse et les champignons. L'air était glacé, ce qui fit frissonner Tiordan de tout son corps. Ils étaient maintenant seuls, sans moyen de s'échapper et sans savoir ce qui allait leur arriver. Il pensa à Symphorore, puis à Jaya...

Son cœur se comprima. S'il venait à lui arriver malheur ici, il n'aurait pas pu lui dire à quel point il l'aimait et qu'il s'en voulait de ne pas s'être battu pour elle avec davantage d'ardeur.

Les deux garçons se tenaient immobiles, essayant de ne pas faire de bruit qui pourraient exciter leur geôlière qui, satisfaite, tourna les talons vers l'entrée de la grotte d'un pas lourd. Amaros grommela en sortant son galet fétiche de sa poche :

— Je savais que c'était de la camelote, ce truc !

Il le balança sans remord un peu plus loin, la rage dans le poing. Tiordan en profita pour se pencher vers le jeune oracle et lui souffler :

— Qu'est-ce que cette chose va nous faire ?

— Ça dépend... Les trolls sont solitaires et plutôt territoriaux. À ce qu'il parait, on en trouve qu'un par forêt, mais les femelles ont des besoin spécifiques quand elles atteignent l'âge adulte.

— Quels besoins spécifiques ?

Amaros posa un œil lourd de sens sur son ami. Sa langue lui piqua quand il prononça ces mots :

— Se reproduire...

— Quoi ? Attend, attend, attend... Elle va essayer de se reproduire avec nous ?!

Même dans la pénombre, Amaros avait clairement vu le teint de Tiordan prendre la couleur du trépas. Le chasseur gigotait sur lui-même, fou de crainte et de désespoir. L'adolescent soupira, las, en appuyant son dos contre le mur de la grotte.

— C'est possible... ah, si je m'étais imaginé une seule seconde que je perdrais ma virginité avec un troll...

Si Amaros semblait avoir perdu espoir, pour Tiordan, hors de question de perdre quoique ce soit ici ! Et surtout pas avec cette créature ! Cette simple idée le taillait jusqu'à l'os. Il devait à tout prix trouver un moyen de sortir d'ici vivants et vite ! Or, l'entrée était bloquée par la silhouette énorme du troll qui s'affairait à confectionner un nid de feuilles dans un coin. Probablement pour eux trois... Son cerveau fumait à force de réfléchir et lui semblait prêt à exploser.

En rampant dans le noir, peut-être qu'ils auraient une chance de passer quand elle était tournée ? Tiordan prit les devants et tenta de faire un mouvement sur sa droite. Entre les caillasses, ses mains touchèrent quelque chose d'étrange qu'il ne distingua pas immédiatement dans la pénombre.

— Qu'est-ce que c'est que ça ?

Son murmure attira l'attention d'Amaros qui vit son ami pendre quelque chose dans le vide. Une sorte de morceau de tissu humide et poisseux.

Un maillot de corps ?

— Qu'est-ce que ce vêtement fait ici ? chuchota Tiordan, les sourcils froncés.

Il entendit Amaros déglutir dans son dos.

— Je crois que ça lui appartient...

L'index tremblant de l'adolescent pointa quelque chose de squelettique étendu à quelques mètres d'eux. Les courbes n'étaient presque pas visibles, mais l'odeur parlait pour elle-même ; l'odeur de la putréfaction, l'odeur de la souffrance, l'odeur de la mort.

Les doigts gelés de l'horreur les empoignèrent à la gorge, les réduisant au plus piteux des silences. Une peur qu'ils ne pouvaient réprimer, une mixture infâme de dégoût émétique et de désespérance.

— Oh, mes aïeux, je crois que celui-là n'a pas eu de chance... il n'a pas réussi à la satisfaire, marmonna Amaros, les yeux plus gros que des soucoupes.

Ce pauvre homme... Voilà ce qui les attendaient aussi, s'ils ne se carapataient pas d'ici en vitesse ! Or, Tiordan trembla jusqu'au plus profond de son échine quand les pas du troll se dirigèrent à nouveau vers eux. Écrasés contre la roche, les deux garçons fixaient ses prunelles orangées, brillantes comme des lampes dans le noir. Était-ce le moment ? Leur cœur battait si fort et si douloureusement qu'ils auraient pu le vomir à tout moment.

Le troll gémit en douceur en s'accroupissant devant eux. Elle approcha son énorme main à trois doigts vers Tiordan qui se figea, à un poil de l'arrêt cardiaque. Son index gigantesque toucha son torse, glissant lentement de haut en bas.

— Je crois qu'elle te fait du charme... lui chuchota Amaros.

— La ferme, idiot... !

Tiordan ne la quittait pas des yeux, espérant déceler la moindre faille lui permettant de se dérober de son emprise. Mais le troll ne lui laisserait pas cette occasion. Elle le saisit par l'épaule et commença à tirer sur son manteau. La bête geignit, voyant qu'elle n'arrivait pas à lui retirer et le secoua davantage.

— Défait les boutons de ton manteau ! Défaits les avant qu'elle te déboîte la nuque !

Le murmure affolé d'Amaros activa le chasseur qui obéit et tomba presque au sol quand sa veste resta dans la main du troll. Elle l'inspecta un instant, la renifla, puis la jeta derrière son dos. Tiordan n'était plus qu'en maillot de corps, à sa merci. Pourquoi fallait-il qu'elle l'ait choisi en premier ?

Or, il déchanta encore un peu plus quand elle s'attaqua au dit maillot, le déchirant littéralement sur lui. Amaros recula sur son postérieur, ne voulant pas être brusqué par les élans de fougue. Le visage fripé de compassion, il partageait le désarroi de Tiordan ; il n'aurait pas voulu être à sa place.

Torse nu et la face boursouflée de gêne, le chasseur ignora le froid mordant quand le troll, braillant d'amour, tenta à nouveau de le toucher de l'index. Cette fois, il avait atteint sa limite envers cette énorme jouvencelle en chaleur ! Au large, la peur ! Il plaqua ses deux mains sur le bout de son doigt et força pour le repousser.

— Eh, pas touche ! clama-t-il.

— Laisse-toi faire, bon sang ! Si tu veux qu'on sorte d'ici, va falloir que tu lui vendes ton corps.

— Pourquoi tout le monde veut que je vende mon corps ?!

— Tu as la côte avec les filles, tu devrais être content...

Tiordan lui lança un œil aussi acéré qu'un poignard. S'il avait pu le transpercer avec, il n'aurait pas hésité une seconde. Or, mécontente du refus de son charmant jouet, la créature grogna d'un air chafouin et se leva. S'attendant à un revers de sa colère, les deux garçons se pressèrent l'un à l'autre avant de la voir se retourner vers son nid de feuilles qu'elle continua d'étoffer.

Une part de la tension retomba chez les deux amis, tordus dans un souffle haché.

— Amaros... Personne ne doit jamais savoir les détails de ce qui vient de se passer.

L'adolescent, d'abord muet face à la légère retombée de ses émotions, clama sa douleur quand il reçut un coup de tête en plein dans la tempe.

— Dis-le ! insista Tiordan.

— Argh... oh... p-personne ne saura jamais les détails de ce qui vient de se passer...


Un buisson vibra.

Deux têtes en émergèrent lentement, suivies d'une troisième plus énergique. Après avoir talonné les pas du troll, Jaya et Symphorore étaient arrivées devant l'entrée de la grotte. Une bouche sombre située dans les plus noires profondeurs de la forêt. Elles avaient croisés des cadavres d'animaux sur leur chemin, ainsi que des os rongés. Cachée derrière un voile de sumac vénéneux qui retombait jusqu'au tapis forestier, l'entrée dévoilait une forme inquiétante et mystérieuse rappelant les mâchoires d'un fauve prêt à avaler quiconque oserait s'en approcher.

Jaya observa avec appréhension l'entrée de la grotte. Les rayons de lumière qui pénétraient avec peine dans cette partie profonde de la forêt créaient des ombres inquiétantes sur le parterre estampillé des empreintes du troll disparaissant dedans. A ses côtés, Symphorore lui chuchota :

— On y est. C'est sûrement ici que le troll a emmené les garçons.

La silhouette fantomatique du géant passa dans la grotte, le bruit de ses pas résonnaient jusqu'aux filles. Tremblotante, Liloïa se cacha à nouveau la tête dans le buis. Symphorore continua, rompant la réflexion de Jaya :

— Elle rôde tout près. Comment allons-nous entrer dans cette grotte sans être vues ?

— Il faut l'entraîner en dehors. J'ai une idée.

Le plan était tout trouvé. Il fallait désormais le mettre à exécution.

Tandis qu'elle terminait de fabriquer son petit nid d'amour, le troll fut soudain dérangé par un son sortant de l'ordinaire. Il redressa la tête, ses oreilles minuscules aux aguets. À nouveau, il entendit cet étrange cliquetis. Il se releva, cette fois, plus férocement. Il vit alors des pierres rouler et s'arrêter à ses pieds.

Un grognement au bord des lèvres, la créature sortit à l'extérieur, sentant une présence autour de son précieux territoire. Or, il ne vit rien de vivant dans les alentours visibles pour sa vue assez pauvre au soleil couchant. D'autres cailloux le heurtèrent, des pierres qui frémissaient et se soulevaient toutes seules pour foncer sur sa poitrine.

Du haut de la montée de terre et de feuillages, cachée, Jaya guettait d'un œil avisé la confusion du troll. Son plan marchait comme sur des roulettes. Elle avait compris que la meilleure façon d'entrer dans la grotte était de le distraire le temps que Symphorore partait chercher les garçons. Aussi, la chasseresse se tenait en contrebas, tout près de la caverne, armée de son arbalète et dissimulée par la nature.

Elle n'attendait plus que le signal de Jaya pour s'engager dans la caverne.

Elles devaient être fines et rapides dans leur exécution, une deuxième chance ne serait guère possible. La princesse, fixant la créature s'énerver toute seule face à l'incompréhension, se concentra sur le gros rocher aperçut un peu plus tôt au-dessus du pic de la caverne, entre plusieurs branches recouvertes de mousse. Il avait la taille d'un beau melon d'eau, ce serait parfait. Elle soupira pour se donner le courage.

« S'il te plaît, aide-moi à le soulever... »

Son incantation intérieure illumina ses prunelles d'un brin de magie. D'un battement de cils, elle vit le rocher flotter dans airs et doucement tournoyer autour de la tête minuscule du troll qui, intrigué par le bruit des branches tombées, leva les yeux au ciel. Jaya profita de cette opportunité pour le faire tomber sur son crâne ; un bruit sourd retentit.

Sous ses yeux écarquillés, la bête tituba un instant, sonnée, mais ne tomba pas. Jaya sourit, c'était le moment de passer à l'action.

Elle avait alors lancé le signal à Symphorore, lui pointant l'entrée de la grotte. S'armant de bravoure, la chasseresse quitta sa cachette et pénétra l'antre maudite pendant que le troll avait le dos tourné. Une odeur infâme de pourri flottait dans cet endroit pénombreux et la prit à la gorge. Elle tenta de l'ignorer en longeant discrètement les parois de roches, ses yeux allaient dans tous les sens.

Puis s'arrêtèrent enfin sur l'objet de ses convoitises.

— Tiordan ! Amaros !

Le murmure de la jeune fille activa les deux malheureux encore assis au sol qui, en la voyant, bondirent sur leurs jambes. Un grand soulagement s'imposa dans leur poitrine et atténua leurs craintes.

— Symphorore ! Je n'ai jamais été aussi heureux de te voir, lui lança Amaros.

— Vous êtes venues jusqu'ici ? Où est Jaya ? continua Tiordan.

— Dehors, pas le temps d'expliquer. Sortons d'ici au plus vite !

Elle n'avait pas tort et après avoir récupéré son manteau, Tiordan la suivit sans demander son reste, talonné par Amaros. Plus vite ils seraient hors d'ici, plus vite ils pourraient s'enfuir loin de ce troll.

Mais à peine avaient-ils fait deux pas que des rugissements sauvages et des cris de femme s'élevèrent à l'extérieur. Cette voix... leur sang ne fit qu'un tour. Le souffle soucieux de Tiordan perça le néant :

— Jaya...


Après qu'elle eut vu Symphorore disparaître dans la grotte, Jaya était descendue avec Liloïa vers le point de rendez-vous, située à la place où se trouvait la chasseresse. Quand ses amis sortiraient, ils pourraient contourner discrètement la caverne et s'enfuir sans être aperçus par le troll. Elle devait se dépêcher, la créature ne serait pas éternellement sonnée. Or, Liloïa semblait plus réfractaire à l'idée de bouger hors de sa cachette de buissons.

Jaya avait beau la tirer par les nageoires, à mi-chemin, le dragon ne voulait plus avancer.

— S'il te plaît, Liloïa ! murmura-t-elle. Faut pas rester là, avance !

La néréide ronchonna et força en arrière, entraînant sa mère d'adoption dans son mouvement. La vibration dans la gorge de la dragonne, la branche se brisant sous sa semelle de Jaya, les feuilles secouées ; ces bruits ramenèrent lentement le troll à lui. Il secoua sa tête, frottant une seconde la bosse s'étant formé au sommet, puis se tourna vers la source de ce discret vacarme.

Ses naseaux bougeaient, inspiraient une odeur qu'il n'avait pas oublié et qui lui hérissait le poil.

Lorsque Jaya réalisa que le géant était braqué dans sa direction, son cœur rata un battement. Glacée, horrifiée, pétrifiée... Le troll avait reprit ses esprits et il n'était pas content. Pas du tout. Quand il lui montra les dents, elle réalisa avec effroi qu'elle était découverte.

— Oh non...

Un rugissement fit voler les feuilles sur son passage. Fou de rage, le troll chargea. Jaya exhala un cri de peur quand elle le vit balancer ses poings au-dessus de sa tête, prêt à les abattre sur elle. Attirée par Liloïa qui prit la poudre d'escampette, Jaya ne ressentit que l'onde de choc que le contact produisit sur le sol. Des éclats volèrent jusqu'à elle et la touchèrent au visage. Or, la jeune femme se retrouva rapidement par terre, ses bras frêles ayant lâché prise sur les nageoires du dragon.

Un œil trouble devant elle, la silhouette gigantesque se dessina à nouveau, plus féroce encore. Elle allait devoir être rapide si elle voulait échapper à sa colère.

Jaya n'avait plus le choix ; elle allait devoir se battre ou esquiver si elle espérait survivre.

Tel un marteau, un autre poing fut levé, paré à l'écraser. La jeune femme roula habilement sur le côté, évitant la mort, puis se redressa sur ses jambes. Haletante, elle évalua les distances à toute vitesse ; Vadim lui avait appris qu'au Vhaïka, prendre compte de la distance avec l'ennemi pour mieux se protéger était la clé. Elle n'avait jamais été brillante dans le domaine du combat, mais la défense personnelle était restée gravée en elle.

« Tes mouvements doivent être comme les éléments, coordonnés avec patience. Comme un nuage, tu seras légère. Comme les algues sous la mer, tu seras souple et te laissera porter par le courant. Comme un ouragan, tu seras puissante et sans pitié. »

La voix lointaine de Vadim résonna dans son esprit comme un mantra ; une caresse qui apaisa sa peur et l'encouragea à se dépasser.

Souple et légère, elle s'élança et profita d'une faille dans la lenteur du troll pour se laisser glisser entre ses jambes. Elle fit une pirouette maladroite et se retrouvait derrière lui, face à la forêt.

Harassé de jouer au chat et à la souris, la créature hurla, hors d'elle et s'apprêtait à abattre un nouveau coup promettant d'atteindre cette cible bien récalcitrante. Or, Jaya plaqua une main devant elle qui éleva le vent et frappa le champ de bataille. La foudre, sans pitié, s'échappa de son corps et forma une vague bleue qui souffla autant sa chevelure que le troll.

La force subjuguante du Risen le repoussa en arrière et le fit tomber dans sa grotte, brisant une partie de l'entrée qui s'effondra sur lui.

À l'intérieur, Symphorore, Tiordan et Amaros eurent juste le temps de se presser au mur quand le corps massif s'écroula près d'eux, dans un nuage de poussière. Qu'est-ce qui venait de se passer ? À travers la brume, ils aperçurent Jaya encore entourée de paillettes bleues, leur faire signe depuis l'entrée détruite.

— Dépêchez-vous de sortir ! Venez !

À peine sortis de leur surprise, le trio s'élança à toutes jambes vers la délivrance. Or, la rage du troll n'était que plus vive. Son énorme bras balaya le sol sous les pieds des fuyards. Si Tiordan et Symphorore réussirent à l'éviter, Amaros eut moins de chance et trébucha. Son menton heurta le sol, répandant une vive douleur jusque dans sa tête.

Ses amis se retournèrent sur lui.

— Amaros ! clama Symphorore.

— Continuez ! Je vous rejoins !

La main du troll s'appuya sur les jambes de l'adolescent qui grogna entre ses dents. La bête se relevait, plus en colère que jamais, et voir ses beaux jouets fuir était encore pire que tout. Or, l'un d'eux avait plus d'un tour dans son sac magique et, formant une sphère brillante dans sa main, Amaros l'envoya sur les énormes doigts de sa geôlière qui clama sa douleur au point de le lâcher. Voilà comment on se débarrasse d'une prétendante pas très jolie et un peu trop fougueuse !

Il réussit alors à rejoindre l'extérieur et ses amis en un seul morceau.

— Partons vite d'ici avant que la catin géante ne rapplique, exhorta Amaros, une fois avec eux.

Or, la détermination d'un troll était plus puissante que tout.

Un hurlement de rage résonna dans la caverne quand la masse titanesque s'en extirpa, la main fumant encore par le sort d'Amaros. Machinalement, Jaya et Amaros se plaquèrent devant Tiordan et Symphorore, créant une barrière protectrice de leurs corps. Si le combat n'était pas terminé, eux-seuls pouvaient en finir.

Seulement, Jaya dépassa tout le monde.

La haine qu'elle ressentait à l'égard de cette bête bornée atteignait son paroxysme. Elle avait bien failli tuer ses amis, mettre en péril la vie de sa dragonne et la blesser personnellement. Jaya en avait plus qu'assez ! La colère montait sans qu'elle ne puisse la contrôler, outrepassant la peur et la fatigue. Le souffle de la jeune femme devint erratique, elle n'avait qu'un souhait : que cette chose disparaisse !

Et son Risen le ressentit.

Elle le sentait bouillir, grimper et grimper le long de sa gorge, explosant dans un cri inhumain qu'elle ne put retenir. Elle vit noir, se laissait emplir dans sa fureur sans pouvoir de retour. Le son strident de sa voix força ses amis à se boucher les oreilles tant s'était insupportable. Amaros en tomba à genoux, la tête prête à exploser.

Le cri légendaire secoua les feuillages des arbres, balaya les roches et terrassa le troll qui rugit de plus belle, les mains entourant son crâne. Jaya ne le quittait pas des yeux, une lueur bleue scintillant dans son iris. Les lames de sa voix craquelèrent la peau de l'animal sauvage. Des fissures apparurent dans l'innommable douleur qui le tiraillait au point où il en perdit l'équilibre et chuta en arrière, dans sa tanière.

Dans une ultime poussée de voix, Jaya fit effondrer la grotte sur le troll dans un chaos assourdissant.

Soudain, une intense douleur ramena la brune à la raison. Sa voix dérailla et se rompit quand ses genoux glissèrent au sol. Dans le silence revenu, son corps trembla, à bout de souffle. Ses yeux fixaient la paume de sa main d'où émanait le climax de la souffrance.

Le bout de ses doigts étaient recouverts d'une matière blanche qui la brûlait comme de la glace. Oui... On aurait dit du givre. Il disparut presque aussitôt, en même temps que la sensation d'étouffement.

Des râles s'élevèrent dans son dos.

Se remettant difficilement de cet événement surnaturel, Tiordan, Symphorore et Amaros retirèrent doucement leurs paumes de leurs oreilles. La migraine les guettait après une telle déflagration.

— Non mais c'était quoi ça ?!

Symphorore avait hurlé son mécontentement. Jaya posa un œil hagard sur eux, avant de réaliser ce qu'elle avait fait. Le cri... il lui était à nouveau sorti, échappé malgré elle. Ce cri de Banshee, comme lui avait dit Amaros. Ce cri de mort. Une terreur sourde se nippa à ses cordes vocales.

Ses yeux se posèrent sur le troll ; plus aucun signe de vie ne le trahissait. Seuls ses pieds dépassaient de l'éboulement que sa voix avait déclenché.

Elle l'avait tué...

Vulnérable, Jaya serra les poings, l'inquiétude lui nouant l'estomac. Elle avait agi par instinct pour sauver ses amis, par colère... Cette immense colère ressentie à plusieurs reprises et qui terminait toujours sur l'éveil du cri mortel.

Et s'ils risquaient un danger à cause d'elle ?

Amaros fut le dernier à se relever, abasourdi par ce qu'il venait de vivre. Ses oreilles bourdonnaient encore et il avait beau les récurer de l'auriculaire, rien n'y faisait.

— Alors c'est ça, ton fameux cri... C'est impressionnant et... assourdissant à la fois. C'est la première fois que je vois un tel truc.

— Je suis désolée... Je...

Une larme coula sur la joue de la jeune femme. Ne supportant pas de la voir si perdue et apeurée, Tiordan l'approcha sans peur et l'aida à se relever. Elle eut d'abord un mouvement de recul, avant d'accepter sa main.

— Tu m'avais parlé du pouvoir des Banshees... je... ce que je viens de faire, c'est...

Soudain, Amaros se figea quand ce moment le cogna en plein front.

— Tu penses que tu es une Banshee ?

— Regarde ce que mon cri a fait ! Ce troll est mort. Tu m'as dit que ceux qui entendaient le cri d'une Banshee mourraient ! Et... et vous l'avez entendu...

Un flottement d'incertitude s'installa dans la troupe. Ils échangèrent chacun un regard inquiet, Jaya ne quittant pas Amaros du sien. L'adolescent se gratta nerveusement la tête.

— Oui, c'est vrai, je t'ai dit ça. Mais... D'après ce que j'ai entendu, ceux qui l'entendent périssent immédiatement. Or... On est toujours là. Il n'y a que le troll qui est mort.

— Qu'est-ce que ça veut dire ?

— Je l'ignore... Peut-être une faculté spéciale, je n'en sais pas plus, malheureusement.

Il posa une main bienveillante sur son épaule.

— Ne t'inquiète pas pour nous. On va bien. Du moins... jusqu'à présent.

Le sourire de garnement qu'il lui offrit gomma une part de son angoisse au point où elle réussit à lui rendre sa moue. Il avait une drôle de façon de rassurer les gens, mais Jaya s'en contenterait.

Heureusement, tout était enfin terminé.

— Bon... et si on foutez le camp, maintenant ? proposa Symphorore. J'aimerais vraiment quitter cette maudite forêt avant de devenir dingue ou sourde !

C'était une excellente idée que le quatuor accueillit avec joie. La nuit étant désormais tombée, autant débarrasser l'endroit et partir vers les cabanes. Après tant d'émotions fortes, Tiordan et Symphorore prirent une grande résolution, en secret :

Toujours écouter les mauvais pressentiments d'Amaros.

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