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𝐄 𝐏 𝐈 𝐒 𝐎 𝐃 𝐄 - 04 : L'Éveil du Cri 1/7

Les rues de Cassandore s'éveillaient de cette nuit fraîche et difficile.

Lentement, les travailleurs prirent du service dans les fines lignes de brume parsemant l'horizon. Sur le marché, les cris commençaient à se ponctuer d'algarades entre les commerçants déballant leurs marchandises tandis que le soleil peinait à s'extirper de son cocon de nuages. Roban aimait bien cette atmosphère tranquille, quoique qu'un peu casse-tête. Ça l'aidait à faire le vide durant ses patrouilles.

— Ahrf... Ça y est, la saison des yrtans est morte. Regarde-moi ceux-là, ils sont presque pourris.

Enfin, jusqu'à ce que Henki commence à se lamenter...

— Je refuse de donner une pièce pour en acheter.

— J'ai toujours su que tu étais radin.

— Je préfère le terme frugal, s'il te plaît.

Roban esquissa un sourire moqueur. Henki insista :

— Faire les courses pour quatre personnes, c'est tout un investissement, si tu veux mon avis.

— Ça va, encore, l'un d'eux ne boit que du lait pour l'instant. Et un autre que de la purée.

— Ma mère a mal aux dents, d'accord ?

— Après l'arthrite, c'est les dents ? Mon pauvre vieux, faut mieux la jeter aux déchets, y a plus rien à garder dessus. Ça allégerait ta charge de victuailles, au moins.

Henki le gratifia d'une grimace outrée avant de balayer ses idioties d'une main. Mieux valait de pas porter cas à lui, il n'avait pas envie de se prendre le chou dès le matin. Lâchant son comparse qui trainait bien trop à son goût, Roban avança entre les passants s'arrêtant à divers stands plus colorés les uns que les autres. Il s'arrêta devant un étalage déballant des yumaï porte-chance.

Friva...

Il repensait toujours à elle quand il en voyait un, mais aussi à la princesse Jaya. Oui, cette petite étrangeté suicidaire occupait une part de ses pensées, ces temps-ci. À vrai dire, depuis qu'il l'avait revue sur la falaise. Il espérait qu'elle guérisse de ses souffrances et qu'elle puisse retrouver sa joie de vivre qui l'avait autrefois fatigué. Dans un flash de souvenir, il la revoyait ici même, lui souriant alors qu'elle cherchait un bracelet pour le prince Vadim.

Malgré tout ce qu'il avait pensé sur eux, sur leur amour bien trop expansif ou même sur l'attitude parfois niaise de la princesse, Roban n'aurait jamais cru que la disparition de Vadim puisse autant affecter cette jeune fille.

Leur mariage n'était donc pas qu'un prétexte pour sauver telle ou telle ville, non... Ils s'aimaient réellement malgré les embûches de la vie, le jugement et l'hérésie.

Soudain, une silhouette passa à côté de lui et le frôla au bras au milieu des gens. Leur accrochage fit relever les yeux froncés de Roban sur une femme encapuchonnée qu'il rattrapa au vol.

— Eh, vous pouvez pas faire attention ?

Elle pivota vers lui, l'œil tout aussi menaçant. Elle avait une belle tignasse de boucles dépassant des bords de sa capuche.

— Tiens... Si c'est pas Aube. Ça faisait un bail, bouclette.

Roban lui darda un sourire caustique. Plus vive que l'éclair, elle s'arracha à sa poigne et recula d'un pas. Elle posa sur lui un regard arrondi. Sur tous les soldats de la garde traînant en ville, il avait fallu qu'elle tombe sur lui... Il avait visiblement la peau dure comme la pierre pour avoir résisté à la mort durant l'enlèvement de la princesse dans l'attaque de Starania, elle ne pensait pas le revoir vivant et visiblement bien portant.

Or, elle n'avait pas de temps à lui consacrer. Elle se contenta de jouer le jeu une seconde en lui renvoyant son sourire.

— En effet, ça fait un bail. Tu as survécu à tes blessures de ce que je peux voir.

— Et toi, tu es toujours autant une garce.

Heurtée, Aube lui offrit un profil hargneux, avant de ricaner. Il l'avait prise de court, elle devait bien l'avouer...

— Je dois y aller.

Alors qu'elle tentait de s'enfuir, Roban la suivit, les mains dans les poches.

— Je peux savoir où tu vas ? Le logis des renardes est de l'autre côté.

— Je peux savoir en quoi ça te regarde ? dit-elle en s'arrêtant près d'une ruelle.

— Pourquoi tant d'agressivité ? Tu as des choses à te reprocher ?

Elle se mordit la lèvre inférieure à sang pour coincer son irréductible envie de l'envoyer se faire voir. Il la guettait avec ce sourire immonde de sale gosse qu'elle ne supportait pas.

— Je me rendais au temple ymosien, si tu veux tout savoir.

— Tu veux te racheter une conscience ?

— Non, plutôt une dignité.

Une dignité ? Ce serait compliqué avec son pédigrée...

— J'ai été appelée par le père Thésélius en personne pour recevoir ma bénédiction. Je vais être lavée de mon passé et affranchie du pêché. Je vais devenir une Piun Ymosïam.

Voyez-vous cela... Roban ne put s'empêcher de lâcher un gloussement de surprise. Les Piun Ymosïam, dit les rachetés d'Ymos, étaient les gens salis par la vie contre leur volonté, mais qui n'avaient jamais perdu leur croyance, leur respect, ni leur amour envers leur dieu. Comme ils n'étaient pas fautifs d'avoir été abîmés ou sortis du droit chemin, ils pouvaient recevoir le pardon divin et devenir des pieux serviteurs de la foi au service d'Ymos, mais aussi du clergé. Ils pouvaient ainsi reprendre une vie normale et même espérer trouver un époux, pour les femmes abusées.

La plupart du temps, les Piun Ymosïam ne restaient ni plus, ni moins que des portes-drapeaux lors d'événements religieux. Pourquoi Aube voulait-elle en devenir ? Qu'est-ce qu'elle espérait ?

— Tu as l'idée de te marier en devenant une rachetée ?

— Le mariage ? Certainement pas. J'ai des idées bien plus nobles pour mon avenir.

— Pourtant, quand Vadim était encore vivant, ça ne t'aurais pas déplu qu'il te demande en épousailles.

Aube se pétrifia, électrisée d'effroi. Entendre ce prénom, ce simple prénom lui avait donné d'incontrôlables frissons. Vadim... Cela faisait si longtemps que ces cinq lettres n'avaient pas flirté avec ses oreilles. Si longtemps que son image n'était pas réapparue dans ses songes... Ce fut le cas à cet instant et des souvenirs emprisonnants s'y superposèrent. Une aigreur se posa dans sa gorge, Roban le remarqua très rapidement. Il avait fait mouche sur ce coup-ci.

— Ne me parle plus de lui. C'est de l'histoire ancienne.

— Ah ouais ? Pourtant, on dirait que ça te touche.

Évidemment que ça la touchait, mais elle se serait pincée jusqu'à l'os pour réfréner ce sentiment de faiblesse. Ne pas culpabiliser, ne pas avoir d'émotions ; c'était ce qu'elle s'était maintes fois répétées quand elle était entrée dans le tribunal, un an auparavant.

Un pas vers elle, Roban la surplomba d'un regard fort d'accusations.

— Tu sais... J'ai appris que tu avais témoigné pour le procès de Vadim. Mais une petite puce pendue à mon oreille me dit que ce que tu as dit n'était là que pour l'enfoncer davantage.

— Qu'est-ce que tu en sais ?

— Il ne t'a jamais violée, pas vrai ?

Elle déglutit. La salive eut un mal fou à passer tant sa gorge était serrée.

— On sait tous que tu étais consentante... et que t'espérais l'avoir de cette manière. Toute l'armée le sait. Moi, je le sais. Mais... comme il ne t'a pas voulue davantage que pour coucher, tu t'es braquée contre la princesse. Tu as nourri une jalousie ignoble à son égard et tu as tout fait pour te venger. Ton dernier coup d'éclats était de mentir au procès. Alors avec ton rachat de dignité, pense à te prendre le service complet ; le rachat de conscience, la remise en question et la culpabilité.

Le poing d'Aube trembla le long de son corps. Comment ce fumier osait-il ? Elle refusait d'être à ce point ternie et rabaissée par un homme ; par cet homme, plus particulièrement. Plus féroce que l'animal affamé, elle attrapa Roban par le col et cala son visage dans le sien. Ses yeux d'or brûlaient à la lumière du soleil levant.

— Écoute-moi bien... Je n'ai pas de conscience à me racheter, ni de culpabilité à avoir. Vadim n'était qu'un monstre hérétique et il a mérité son sort. Oui, je l'aimais fut un temps, mais j'ai appris qu'aimer n'était rien d'autre qu'une minable faiblesse. Et la princesse... cette sale petite traînée aurait dû y passer à Starania, la suite des choses aurait été bien plus simple pour tout le monde ! Je te demanderai donc d'arrêter de me parler d'eux. Je vais finir par croire que tu soutiens les hérétiques... et tu sais que dans ce cas de figure, tu pourrais avoir de sérieux problèmes.

Roban la fusilla des yeux, sans bouger, quand elle lui esquissa un rictus. La pression à son cou se relâcha quand elle tourna les talons pour partir. Cette fois, il ne la suivit pas. Le soldat se contenta de la regarder s'éloigner dans le voile de sa cape qui battait le sol derrière elle. Il n'avait que de la rancoeur dans l'œil à son égard, de la méfiance...

Et du doute.


Un chant battait l'écho dans la chapelle du temple.

Les sons lyriques communiquaient entre eux, grimpant vers le ciel comme des âmes enlacées à un seul amour. Les mains rejointes, les évêques formaient un cercle autour de la pièce, leurs voix, érigeaient une barrière où la pudeur était légion. La cérémonie avait commencé. Élégamment vêtu de sa belle toge blanche incrustée de pierres précieuses, l'archevêque Thésélius brandit son sceptre d'or vers la puissante statue d'Ymos siégeant au fond du temple faiblement éclairée par la flamme des bougies.

Il n'était pas un homme plus heureux que lui, à ce jour. Rendre hommage à son dieu et lui apporter une nouvelle fidèle l'emplissait d'un sentiment incroyable de puissance et de satisfaction.

Derrière lui, au centre de la salle, Aube revêtait une longue robe immaculée. Les yeux bas, elle combattait contre son stress qui montait de plus en plus. Malgré le temps qu'elle y passait et qu'elle y avait passé bien avant cela, cet endroit était toujours très impressionnant par sa beauté et sa grandeur. Les grandes arcades autour d'eux étaient étourdissantes, soutenues par de fortes colonnes où une galerie étroite permettait de circuler sans être vu. La lumière du jour passant par les grandes fenêtres était vectrice d'une émotion indescriptible dans sa quête spirituelle.

Entre ombre sacrée et lumière profane, Aube s'y sentait à sa place.

— Mon enfant, tu as choisi la voie de notre dieu. Tu as choisi de te racheter et d'être au service de notre saint père. Plus beau dévouement ne peut exister.

S'approchant d'elle, le père Thésélius lui accorda un regard fier qu'elle lui renvoya. Cette jeune femme avait tant fait pour lui, il était de son devoir de lui rendre la pareille en lui offrant son dû : le salut dans son malheur. Il n'avait qu'une promesse.

— Agenouille-toi.

Inspirant un air glacé, Aube obéit et tomba à genoux sur les dalles polies du temple. Les mains rejointes sur les cuisses, elle ferma les yeux et attendit la suite du rituel. Debout devant elle, le père Thésélius commença une prière qui fit augmenter le rythme fou des chants autour d'eux. Aube osa entrouvrir un œil. La figure principale semblait en pleine transe, en communion avec Ymos qui parlait à travers lui dans un langage qu'elle peinait à déchiffrer.

Aï tomhana sacrastial iv tuminö ymos periü...

Il brandit son sceptre au-dessus de sa tête et apposa sa pointe sur le sommet de son crâne.

Brön periü sanctiü hac anya piun ymosïam.

Aube releva la tête vers l'archevêque quand il retrouva son calme. Le silence revint graduellement, réverbérant les voix dans les esprits comme l'onde sur l'eau. Le manche du sceptre toucha la pierre et claqua. Pour clore la cérémonie, un évêque apporta à son supérieur un bol doré rempli d'une étrange pâte blanche.

Thésélius le prit en main en échange de son sceptre.

— Voici ta rédemption, reprend la blancheur et la pureté de la neige dont le corps de notre dieu est fait.

Thésélius y trempa son doigt et le porta sur le front d'Aube. Il dessina sur sa peau un croissant de lune, puis un trait partant du début de son arête jusqu'au bout de son nez, ébauchant la faux divine avec laquelle Ymos purifiait les âmes. Il sortit ensuite un poignard de sa toge. En le voyant, Aube se crispa. Voici venir la partie qu'elle redoutait...

— Donne-moi ton poignet.

Tremblante, elle lui tendit sa main. Elle savait qu'elle allait avoir mal, très mal, mais elle accepterait tout à ce niveau. Si elle devait donner de son sang et garder une marque pour laver ses péchés et vivre à nouveau, elle se soumettrait.

Prononçant une prière à peine audible, inébranlable, Thésélius taillada l'intérieur de l'avant-bras de la bouclée. Elle retint un hurlement quand la lame pénétra lentement sa chair. Un râle douloureuse se coinça entre ses dents serrées quand il traça la faux dans le sang ; des gouttes rouges tombèrent sur le sol, tachèrent la robe blanche de la suppliciée déversant des larmes amères.

Quand il eut terminé, Aube reprit un fil d'air dans son innommable douleur. Aussitôt, l'archevêque passa un linge sur sa plaie encore à vif.

— Te voilà lavée, mon enfant. Tu portes désormais la marque des rachetés. Calastë Ymos Maïroa.

Aube leva un regard humide et reconnaissant sur le vieil homme. Jamais elle ne pourrait assez le remercier pour ce qu'il avait fait pour elle depuis le début. Il était le seul qui ne l'avait jamais jugée, ni rejetée malgré son passé et elle lui jura fidélité jusqu'à la mort.

Cette fois, sa vie allait pouvoir reprendre là où elle s'était arrêtée et plus jamais elle ne laisserait personne profiter d'elle ou lui faire du mal. La religion serait sa protection divine.

Dorénavant, elle était au service d'Ymos et ferait respecter ses lois, pour le meilleur et pour le pire.

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