𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐.𝟏
Le lendemain, alors que le ciel se peignait des mille couleurs de Iavas, et que des brumes d'argent s'élevaient des terres humides de la vallée, Eirien chantait, adossée contre un arbre. A sa droite coulait une cascade, dont la berceuse cristalline s'amusait à recouvrir la voix douce de la jeune femme. La rosée encore fraîche s'était déposée sur les herbes folles et les feuilles d'or de la vallée, et formaient ainsi des perles scintillantes, qui illuminaient le matin de leurs joyaux.
Au détour du sentier apparurent alors Frodon, qui s'était levé de bonne heure, et qui profitait du temps qui lui restait pour découvrir les environs. Eirien cessa sa complainte pour acceuillir le Hobbit d'un sourire aussi chaleureux que les pâles rayons de la Soleil qui perçaient entre les sommets blancs.
- Bonjour Frodon ! Bien dormi ?
- Pas trop mal, ma Dame. Vos chants ont bercé ma nuit de beaux rêves.
La jeune elleth rosit de plaisir et se leva pour désigner la vallée d'un geste ample. Sa robe blanche créait autour de son corps fin un nuage léger qui accompagnait chacun de ses mouvements.
- Voilà ma grande inspiration : le monde !
Frodon remarquait alors la manière charmante qu'elle avait de prononcer les « r ». Comme si un son si dur était trop violent pour la jolie bouche, il disparaissait pour laisser place à une consonne plus liquide, qui dévalait la courbe de ses lèvres pour ravir l'auditeur. Cet accent timide, elle en avait honte et c'était la principale raison de sa peur de s'exprimer en Parler Commun.
- Vos chants sont un bel hommage à Arda ! Je serais curieux de marcher un peu à vos côtés, découvrir les bois de pins et le Bruinen avec vous !
- Je me ferai un plaisir, Baimbeth. Mais je crains que vous soyiez demandé ailleurs...
En effet, le son clair d'une cloche solitaire résonna entre les falaises et couvrit le flot du Bruinen.
- C'est le signal du Conseil d'Elrond, mon ami ! Vous devriez y aller. Mais nous aurons l'occcasion de visiter les environs très prochainement !
Elle observa le Hobbit filer sur ses courtes jambes et soupira, déçue de se trouver à nouveau seule. Elle appréciait la compagnie des Periannath, dont la radieuse humeur égayait un peu la morne attitude des elfes d'Imladris.
Elle-même n'était pas conviée à la réunion, mais elle avait réussi à déceler quelques informations quant à son sujet. Cela ne l'interessait guère et elle préférait bien profiter du temps clément pour chanter à la nature et soupirer après son amour.
Alors qu'elle se dirigeait vers sa chambre, la voix brisée d'avoir fredonné toute la matinée, une ombre sembla passer sur la Soleil et la vallée disparut derrière un voile opaque. La tête de la jeune elleth lui tourna, et elle s'écroula sur les dalles de marbre alors que son cœur se recroquevillait dans sa poitrine. L'obscurité semblait s'être installée sur Imladris, avant de disparaître aussi rapidement qu'elle n'était apparue. Eirien reprit ses esprits, et se releva en époussetant sa robe.
Mais dans ses entrailles se tordait une peur dévorante. Sans en connaître la raison, elle ressentit le besoin de voir le Hobbit noiraud, mais dû réprimer cette urgence jusqu'à la fin de la réunion.
Ce n'est qu'en début d'après-midi, alors que les rayons lumineux écrasaient la Demeure du Seigneur Elrond, qu'elle put rejoindre son nouvel ami. Elle alla toquer à sa chambre, où il tenait un deuxième conseil, reservé à ses amis.
- Je repasserai, souffla Eirien, présageant que sa présence n'était pas bienvenue.
- Non, restez, ma Dame ! Aidez-moi à convaincre ces têtes de pioche ! protesta Bilbon.
Eirien jetta un regard à Frodon, qui acquiesca, et elle pénetra dans la petite salle, que le trop grand lit emplissait presque entièrement. Les têtes de trois Hobbits qu'elle ne connaissait pas encore la regardait fixement. Les présentations se firent rapidement et la discussion enflammée put reprendre.
- C'est absolument injuste, s'exclamait le plus petit d'entre eux. Au lieu de le punir de sa terrible curiosité, Elrond le récompense de son imprudence !
- Le récompense ? C'est plutôt une terrible punition ! Être condamné à partir pour un voyage désespéré, une récompense ?
Eirien interrogea Bilbon du regard, et ce dernier lui fit signe de se baisser pour qu'il puisse lui chuchotter à l'oreille.
- Le jeune Sam n'a pas réussi à laisser son maître pendant plus de deux heures et a donc assisisté au Conseil, dissimulé dans un buisson.
S'imaginer la scène fit rire Eirien, qui se reprit immédiatement en observant la mine coupable du Hobbit concerné. Ce dernier parraissait à peine plus jeune que Frodon, et arborait une tignasse blonde sur un visage rond et rosi par le soleil.
- Non, Pippin s'est mal exprimé : ce qu'il voulait dire, c'est que si tu pars, ce serait une punition pour n'importe lequel d'entre nous de rester derrière, fût-ce à Fondcombe. Nous voulons continuer à t'épauler dans ta quête, si durs que puissent être les moments futurs.
Ce dernier Hobbit, Meriadoc, semblait plus sage que son acolyte, mais la mutinerie dormait au fond de ses deux grands yeux bruns. Néamoins, ses paroles sensées firent acquiescer la compagnie.
- Qu'en pensez-vous, ma Dame ? finit par demander Frodon.
- Je ne pense pas être la personne la plus adéquate pour répondre à cette question, mais je sais quelles sombres voix emprunterait l'amitié. La loyauté de cœur vaut souvent bien plus que l'épée de n'importe quel homme.
- Et toc ! s'écria Pippin, avant qu'on le fasse taire d'un lancer de coussin.
Il arbora alors une mine renforgnée tandis qu'éclataient autour de lui les éclats de rires de tous.
- Et, au vu de vos comportements enfantins, continua-t-il en boudant, il faudra une intelligence dans le groupe.
- Dans ce cas, ce n'est certainement pas vous que l'on choisira, Peregrin Touque !
Le visage contrarié de Gandalf passa alors par la fenêtre, ses sourcils brousailleux encadrant deux pupilles brûlantes. Il inclina la tête en guise de salut quand il aperçut Eirien, qui pouffait encore de ces interractions pour le moins comiques.
- Mais vous vous faites trop de souci inutilement. Rien n'est encore décidé.
- Mais alors qu'avez-vous donc fait pendant toutes ces heures ?
- Nous parlions. Chacun avait beaucoup de choses à dire, répondit énigmatiquement Gandalf, en levant un sourcil.
- Enfin, en tous cas, coupa Bilbon, la seule chose qui ait été décidée, c'est le choix de ce pauvre Frodon et de Sam.
- Si vous désirez mon avis, Elrond ne laissera pas ces deux pauvres Semi-Hommes livrés à eux-même. Il y aura d'autres émissaires, des représentants de plusieurs régions et royaume. Cela ferait un trop grand incident diplomatique de laisser de destin du monde dans les mains de ces garçons. Et nous n'avons pas besoin de cela en ces temps si sombres, intervint Eirien, qui avait bien compris de quoi il s'agissait.
Mithrandir acquiesca, secouant sa longue barbe sur son manteau gris.
- Dame Eirien a raison. Néanmoins, Elrond envoie déjà des éclaireurs pour battre le pays. Vous attendrez juste assez pour voir l'hiver s'installer.
- Quelle bêtise ai-je fait d'insister pour attendre mon anniversaire, soupira Bilbon.
- Toujours est-il que nous ne pouvons pas attendre le printemps, et nous dépendons de l'arrivée des rapports pour quitter Imladris, lâcha Eirien avant d'écarter grand les yeux et de rougir.
- Nous ? remarqua Gandalf.
- Non, je me suis mal exprimée ! Je reste à Imladris, peut-être irai-je faire une visite en Lothlorien mais ne me comptez pas dans cette quête !
Heureusement, Bilbon détourna l'attention en récitant quelques vers de sa composition.
Lorsque l'hiver commence à mordre
Et que les pierres craquent dans la nuit glaciale
Lorsque les étangs sont noirs et les arbres dénudés
Il est mauvais dans les Terres Sauvages de voyager
[Chant par Tolkien]
- Mais cela sera malheureusment le lot de Frodon. Nous ne pouvons nous mettre en route avant de de découvrir ce qu'il est advenu des Cavaliers Noirs, marmonna le magicien. Ils n'ont pas été détruits dans l'innondation, comme on pourrait le penser car ce sont des Esprits Servants de l'Anneau. Ils tiennent ou tombent avec leur Maître seulement. En attendant, peut-être ai-je une nouvelle réconfortante, que je venais ici vous annoncer. Peregrin a dit qu'il fallait une intelligence dans le groupe, et il avait pour une fois raison : je me joindrai à votre petite Compagnie.
Frodon sauta du lit et de joie.
- Ne soyez pas trop excité, je n'allégerai pas beaucoup votre fardeau. Enfin, il faut encore que je me décide avec Elrond.
Il salua le petit groupe, souleva son chapeau pour Eirien et quitta la pièce.
- Combien de temps pensez-vous que nous avions ici, ma Dame ?
- Oh, c'est un sujet sur lequel je suis bien ignorante... Assez pour retrouver votre vieil oncle et l'aider dans la confection de son livre, plaisanta la jeune elleth.
Au fond d'elle, elle savait que le temps passé à Imladris serait toujours bien trop court pour lui permettre de se préparer aux sombres détours que son destin prendrait.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro