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Je continue de courir. Il ne faut surtout pas que je m'arrête, je reviendrais chercher Peter après. Ma jambe me lance, les sifflements diminuent et je tourne prudemment la tête pour regarder derrière moi. Pas de chance c'est pile le moment que choisis un arbre pour se mettre en travers de mon chemin et je m'écrase sur lui sans avoir le temps de freiner. Le choque m'étourdi et je me jette au sol pour éviter les dernières fléchettes. Celles-ci se plantent dans le tronc juste au-dessus de moi et l'attaque s'arrête enfin. Je retire les projectiles de mes vêtements en remarquant que quelques uns ont atteint ma peau. De petites tâches violettes témoignent que le poison a réussit à entrer dans mes veines. Je me rassure un instant, je n'en ai pas eu suffisamment pour être affectée. Mais Peter si. Et même si je n'en ressent pas les effets pour l'instant, qui me dit que ce liquide n'est pas mortel sur le long terme ?
Je commence à paniquer puis je respire, il y a forcément un effet, je suis aux Hunger Games. Reste à savoir si il va me tuer et à partir de quand va-t-il se déclencher. Je prend soin de regarder tout autour de moi avant de me relever. Il faut que je retourne voir Peter, il ne s'en sortira pas tout seul. J'avance petit à petit puis j'accélère. Au bout de quelques minutes, je sent bien que quelque chose ne va pas, ma tête tourne et j'ai des bouffées de chaleur. Je décide de courir de plus en plus vite, je dois retrouver Peter avant que ça ne s'aggrave. La jungle devient floue et je constate très vite que je me suis perdue, je n'ai aucune idée d'où je vais. Je ne marche plus droit, le sol bouge, j'ai l'impression que quelqu'un frappe mon crâne avec un marteau. Je m'efforce de me concentrer mais des larmes brûlantes dévalent bientôt ma joue. Je vais mourir c'est sûr.
- Peter !
Ma voix tremble. Je me rend compte que de crier son nom était une idée stupide. Si un autre tribut m'a entendu je ne ferais pas le poids dans mon état. Alors que je me retiens de vomir, une voix féminine m'interpelle.
- Oh mais qui vois-je, c'est Rose Mellark ? Tu as une mine affreuse. Vu ton état te tuer ne me prendra pas plus de...
Des ricanements l'interrompent. Ils sont plus loin mais je devine que ce sont les carrières. J'essaie de reconnaître mon adversaire sans y parvenir. Ma vision me fait défaut et je ne perçois que des couleurs floues. Sa voix me rappelle vaguement quelque chose. J'ai un haut-le-cœur. C'est fait, je viens de rendre mon déjeuner dans une mixture jaunâtre. Je contemple les restes de ma nourriture en m'appuyant contre un arbre.
- Je ferais mieux de me dépêcher, je vais être gentille je vais me débarrasser de toi avant que les autres ne te trouvent. Tu as l'air de souffrir assez comme ça. Au moins je ne torturerais pas moi.
Elle crache ces derniers mots avec un profond dégoût. Je lance d'une voix rauque.
- Qui est-tu ? Qui ont-ils torturé ?
- C'est vrai que je ne suis pas aussi célèbre que toi. Pourtant je pensais que tu te souviendrais de moi. Ils ont capturé le petit du Neuf et crois moi tu ne veux pas savoir comment il est mort, poursuit mon interlocutrice sans répondre à ma première question, j'ai entendu ses hurlements pendant au moins une heure.
Je me concentre en réprimant un gémissement de douleur. La silhouette de la personne se résume à une forme verte et noire. Je n'arrive pas à voir de qui il s'agit. Les voix lointaines reprennent mais elles sont plus proches que tout à l'heure.
- C'est pour ça que je dois t'éliminer avant qu'ils te trouvent ou tu risques de subir la même chose, voir pire, continue-t-elle comme si elle voulait s'en convaincre elle-même.
La première pensée qui me vient à l'esprit est Peter. Si il est dans le même état que moi les carrières le trouveront forcément.
- D'accord, juste une question, tu n'aurais pas vu Ben ou Peter par hasard ?
- Non désolée, en tout cas les carrières ne les ont pas attrapés, je les ai surveillé toute la matinée et aucun autre décès que le petit n'a été signalé pour l'instant. Bon...je devrais arrêter de parler.
- Je pourrais t'aider à le venger, ton partenaire de district.
- Je ne crois pas avoir précisé que je venais du Neuf.
- Non, mais je l'ai deviné.
- Je ne penserais pas que tu ferais preuve d'une telle lucidité vu que tu ne marche pas droit et que tu as l'air à deux doigts de vomir encore une fois.
- Et bien il faut croire que si...
- D'accord princesse, assez parlé, si je croise joli-coeur je lui dirais que tu l'aimes.
Princesse ? Joli-coeur ? District Neuf ? Ces mots déclenchent une illumination dans mon esprit. Cette fille ne peut que être May. Comment ai-je pu être aussi stupide. J'aurais du la reconnaître depuis le début !
- Je sais que c'est toi May.
- Eh bah t'as mis du temps à le comprendre dis-donc !
- Pourquoi tu m'as sauvé la vie au début des Jeux, pourquoi tu ne m'as pas tuée ?
Sa silhouette devient plus nette et je reconnais ses cheveux noirs de jais et ses yeux en amandes. Malgré ses joues rouges et son regard incertain, elle est toujours aussi belle. Elle hausse les épaules.
- Je n'avais pas le temps je suppose. Il fallait que je m'enfuie avant le massacre.
- Tu as bien eu le temps d'empêcher la folle du Huit de m'étouffer.
Elle ne dit rien, à cours d'arguments. J'insiste :
- Ce n'est pas un instinct naturel de tuer des gens chez toi, tu n'es pas un monstre comme eux.
Je plante mon regard dans le sien en essayant d'être la plus convaincante possible. Etant donné mon état je doute que ma crédibilité soit très élevée. Pourtant son visage se trouble. Puis elle se crispe. Je comprends une fraction de seconde après elle. Il n'y a plus aucun bruit. Les voix et les pas des carrières ont disparu. Un craquement soudain confirme mes craintes. Nous sommes encerclées. Nous n'avons plus le temps de nous entretuer, si l'une de nous espère survivre, nous devons nous allier contre eux et ça May l'a très bien compris. Elle me fait signe de me taire et désigne l'arbre. Elle sort une petite sarbacane et plisse les yeux tandis que je grimpe lentement sur le tronc noueux pour me fondre dans le feuillage.
Mes nausées sont presque parties sous l'adrénaline. Ses yeux se plissent et un sifflement perce le silence. Un bruit sourd nous signale qu'elle a touché sa cible tandis que quatre tributs apparaissent dans mon champ de vision.
- Ce n'est pas une grande perte, tu as atteint la plus faible d'entre nous, une idiote du Dix que nous avons gentiment épargné pour retrouver son partenaire, ce n'était même pas une carrière, commente la fille du Un.
Un coup de canon résonne et May baisse les yeux. Le garçon du Dix a visiblement tapé dans l'œil des carrières et sa partenaire avait fait alliance avec eux pour survivre. Un tel acte de trahison me dégoûte. May a bien fait de la tuer.
- Il y en avait deux ou est passée l'autre ? grogne Drash
Je me penche silencieusement et sort la fine dague élancée attachée à ma cuisse. Celle avec laquelle j'ai tué Gaëtan. Je me force à rester concentrée et vise la rousse du District Trois au pied de mon arbre. Si je lance mon arme, les autre sauront où je suis. Pourtant en voyant le tribut du Un, s'avancer vers May d'un air menaçant je n'hésite pas. Il faut juste attendre le bon moment. Celle-ci dégaine son arme, brûlante de rage. Drash la force à reculer vers ma cible tandis que leur quatrième alliée s'efforce de me retrouver. Heureusement je suis quasiment invisible à la hauteur où je me trouve. La fille que je vise balance un coup de pied derrière les genoux de May qui tombe brutalement. Celle-ci se jette sur le garçon du Un pour le déséquilibrer. Drash lui balance un coup de pied dans les côtes et elle roule sur le côté. Avant que la rousse ne puisse agir je me penche sur ma branche et lance ma dague d'un geste sec. Malgré mon état instable la lame l'atteint dans le dos et elle s'écroule sur le sol. Vu sa réaction sa colonne vertébrale est touchée. Les trois autres carrières lèvent aussitôt la tête vers moi.
- Va la chercher Diamante, ordonne le garçon du Deux en me fixant, elle n'en a plus pour très longtemps.
Son regard rempli de haine me fait perdre mes moyens et mes vertiges reprennent. La dénommée Diamante qui est donc la fille du Un commence à grimper agilement. Elle a une silhouette similaire à la mienne voir plus fine et je devine qu'elle n'aura aucune difficulté à me rejoindre sur les branches les plus fines. Je monte de plus en plus haut dans l'arbre. J'entends un cri sourd en bas et je me met à paniquer. Je dois aider May. Je m'arrête et m'avance sur une branche pour apercevoir le sol. Mes yeux se posent d'abord sur le corps gémissant du garçon que May a attaqué puis sur Drash, plaquant mon alliée contre un tronc en la criblant de coup. Je ne comprends pas pourquoi il ne la tue pas directement. Est-ce si plaisant pour lui de l'humilier et de la faire souffrir ?
Un craquement me rappelle à l'ordre. Diamante est là, et je ne peux pas monter plus haut, je vais devoir la combattre dans l'arbre. Elle se dirige avec souplesse dans ma direction. Je recule, de plus en plus proche du vide. D'un coup, elle se jette sur moi et plante ses ongles, ou plutôt ses griffes, dans mon épaule. Je tient à peine en équilibre, si elle me pousse je tomberais. Je me redresse et lâche mon seul appui pour la saisir à la gorge. Ses ongles tranchants tracent une longue estafilade jusqu'à mes clavicules. Elle se penche en arrière sous mon poids et je retrouve un peu de stabilité. Une dizaine de mètre en dessous, les hurlements de May résonnent dans la clairière. Je balance un premier coup de poing dans la mâchoire parfaite de Diamante. Elle se tortille sur la branche pour se libérer de mon emprise.
Celle-ci se ploie et je sens la catastrophe arriver. Je m'immobilise mais c'est trop tard. Un affreux craquement retentit et je plonge dans le vide. Diamante a le temps de s'accrocher à la branche d'au-dessus. Mais moi je suis trop loin et je percute les branches dans ma chute en me recroquevillant sur moi-même. J'ai l'impression que c'est interminable, mon cœur bat à toute vitesse et je me demande si je vais mourir comme ça. Vraisemblablement la réponse est oui. J'ai mal et les cris déchirants de May au sol me font encore plus mal. Quoi que Drash soit entrain de lui faire, il a décidé de la torturer comme son camarade de District. Ma tête me tourne. Lorsque je tombe enfin le choc est terrible. Une douleur insoutenable se répand dans chaque partie de mon corps. Je lutte mais le noir envahi mon esprit. Et cette fois-ci pour toujours.
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