- Je me porte volontaire ! 

Mon regard se perd dans la foule, cherchant l'auteur de cette exclamation. J'ai du rêvé...personne ne serait assez fou pour faire ça. Nick se retourne, se stoppant net au pied de l'estrade. 

- Je me porte volontaire laissez le ! répète le garçon.

Je n'ai pas rêvé, cet ange tombé du ciel vient vraiment de sauver la vie de mon frère. Je vois du mouvement dans la section masculine, les gens s'écartent et se marchent dessus pour laisser passer le sauveur de Nick. Mes yeux humides se posent sur lui lorsqu'il émerge dans l'allée, repoussant mon frère pour le mettre en sécurité. Il est grand, assez musclé, les cheveux châtains clair, presque blonds et les yeux gris de la Veine qu'il a dû hériter de ses parents. Je cherche la raison pour laquelle il s'est porté volontaire. Parce que, même avec tout le courage du monde, je n'aurais jamais été capable de prendre la place d'une parfaite inconnue. Il monte sur l'estrade et Effie le prend par l'épaule en lui demandant son nom. 

- Ben Keller.

Il est difficile de se retenir de lui sauter au cou après son acte de bravoure. Je vois alors son regard se baisser. Dans le public, je distingue un homme à l'air grave qui s'efforce de ne laisser paraître aucune émotion. Facile de deviner que c'est son père. Ben vient de se sacrifier pour quelqu'un qu'il ne connaissait même pas. Je ne sait pas comment je me sentirais à sa place. Mais en ce moment je me sens mal pour lui même si je lui en suis extrêmement reconnaissante.  Effie Trinket coupe court à mes réflexions et reprend le micro pour annoncer avec joie :

- Les tributs du District Douze sont donc Rose Mellark et Ben Keller ! Joyeux Hunger Games, et puisse le sort vous être favorable.

Elle nous invite à nous serrer la main et encourage le public à nous applaudir. Personne n'applaudit. Car personne ne veut nous voir mourir dans l'Arène. A la place, quelqu'un porte trois de ses doigts à ses lèvres et les tend vers nous, son geste est bientôt répété par tout le public, puis par mes parents. Je fais alors de même aux côtés de Ben, le cœur lourd. Je sens des mains m'attraper et empoigner mes bras pour me tirer en arrière. J'ai à peine le temps d'adresser un regard à Nick avant de disparaître avec l'autre tribut. On nous emmène brutalement dans l'hôtel de justice et on nous fait bien comprendre que ce signe est perçu comme un outrage au gouvernement, une contestation de son pouvoir. Et dire qu'avant il faisait partie des symboles de la Révolte...

Je suis séparée de Ben et enfermée dans une pièce. Accueillante certes mais oppressante. Je m'appuie contre le mur en sentant mes jambes trembler. Les rideaux lourdement décorés et les tapisseries extravagantes me donnent mal à la tête. Je m'assois sur le sol, tremblante. Nos proches pourront bientôt nous rendre visite une dernière fois avant le départ. Je me promet juste d'essayer de ne pas pleurer. Je pense à Ben, comment pourrais-je tuer celui qui a sauvé mon frère ! J'espère juste que quelqu'un s'en chargera à ma place...

Alors que je retiens mes larmes, mes genoux serrés contre ma poitrine, un homme ouvre brusquement la porte et Nick rentre dans la pièce en courant, suivit de Finn. Il me dit que Lyn n'a pas le droit d'entrer, que c'est deux personnes maximum mais qu'elle viendra me rendre visite après. Je me lève et ouvre mes bras pour accueillir mon frère. Il enfouit sa tête dans mon cou et par-dessus son épaule, Finn croise mon regard d'un air douloureux. Nick me serre de toutes ses forces et me dit qu'il m'aime, qu'il ne veut pas se retrouver tout seul.

- Tu dois rentrer Rose, tu n'as pas le choix ! murmure-t-il d'une voix pleine de sanglots. 

Je caresse ses boucles blondes en essayant de le rassurer.

- C'est promis, mais tu dois rester avec Finn et Lyn. Avec eux ça ne sera pas long, je reviendrai vite tu verras !

Je l'embrasse sur les deux joues.

- Je gagnerais pour toi Nick, je lui glisse à l'oreille.

Il s'écarte un peu, conscient qu'il ne reste plus beaucoup de temps avant qu'on les emporte. Finn s'avance et me prend dans ses bras à son tour. 

- T'inquiètes pas, ça va aller on s'occupera bien de lui, m'assure-t-il tandis que je me blottis contre lui, il faut juste que tu fasses de ton mieux, tu n'es pas moins forte que les autres !

Je ne peux pas lui mentir à lui. Je ne peux pas lui dire que ce sera facile. Je redresse un peu la tête et parle le plus bas possible pour que mes paroles soient couvertes par les pleurs de mon frère.

- Non Finn, ces jeux ne sont pas là par hasard, pas plus que moi. On m'a mise dans l'Arène pour faire souffrir mes parents tu comprends ? Et mon frère aurait du y être aussi. Cet année le District Douze ne gagnera pas.

- Je sais, répond-t-il en me regardant dans les yeux, je sais mais tu peux y arriver. Tu es loin d'être idiote et si le Conseil cherche à anéantir votre famille, il ne dispose pas de tout le pouvoir qu'il voudrait, Ben en est la preuve. Paylor ne les laissera pas te tuer injustement. Tu te battras comme les autres. Et tu survivras. Ok ?

J'hoche la tête.

- Oui, t'as raison, je ne suis pas encore morte. 

Je réussi à lui sourire légèrement. 

- Voilà, c'est cette Rose là que je veux entendre.

Il me rend mon sourire. La porte s'ouvre d'un coup, et l'homme leur ordonne de sortir. Finn se penche sur moi et me serre une dernière fois dans ses bras avant de me coller un baiser sur le front. 

- Courage, je crois en toi Rose, et je ne suis pas le seul.

- J'ai dit dehors ! insiste l'homme.

Mon ami me rassure d'une pression de la main et me lâche pour entraîner Nick vers la sortie sous le regard noir du gardien. Quelques minutes plus tard, Lyn est enfin autorisée à entrer. Tout comme son jumeau, elle me jure qu'elle prendra soin de mon frère. J'aimerais pouvoir lui demander comment régir face à Ben, et pleins d'autres choses que je ne pourrais certainement jamais lui dire. J'aimerais rester avec elle, lui parler pour effacer mes larmes mais le temps nous est compté. Alors je lui dis juste que je l'aime et que je ne veux pas qu'elle m'oublie. 

- J'ai confiance en toi, je sais que je te reverrais bientôt et même un millénaire ne me suffirait pas pour oublier une personne comme toi ! Tu n'es pas ma meilleure amie pour rien crois moi. Tu va gagner et leur en mettre plein la vue. Allez, fais moi un sourire. 

Je m'efforce de la croire, de sourire comme elle me l'a demandé. Mais une larme amère dévale ma joue. La porte s'ouvre encore et je retiens le poignet de Lyn fermement. 

- Non...ne pars pas.

Elle passe son pouce sur ma peau pour essuyer mes larmes. 

- Tu es une guerrière Rose, gagnes pour nous. 

Le gardien me pousse et m'arrache mon amie des bras. Il la fait sortir de force et claque la porte violemment m'abandonnant à un silence angoissant. Je me laisse tomber à genoux sur le sol. On va venir me chercher et m'emmener dans le train. Je passerais surement à la télévision alors je dois me retenir. Je ravale mes larmes et me raccroche aux paroles des jumeaux. 

En effet je n'attends pas longtemps. Les deux hommes qui m'ont enfermé ici me conduisent à la gare où je retrouve Ben. Il évite mon regard et lorsque nous entrons enfin dans le train luxueux, hors du champ des caméras, je me sens encore moins bien. Effie nous fait visiter et, une éternité plus tard, le véhicule démarre. Nous sommes autorisés à aller nous reposer dans notre chambre. J'aimerais plutôt rejoindre mes parents dans le wagon des Mentors mais je sais parfaitement que cela serait inapproprié. A partir de maintenant ils sont seulement mes Mentors, rien de plus. Ce serait injuste que je reçoive un traitement de faveur par rapport à Ben alors je fais comme tout le monde et me replie dans ma chambre. La première chose que je fais une fois que je suis enfin au calme est de prendre une douche. J'en ai déjà pris une ce matin mais je me sens mal et je suis sûr que ça me détendra. Je m'allonge ensuite sur le lit spacieux et ferme les yeux. Je met du temps à m'endormir, mais à présent je suis convaincue d'une chose.

Je ferais tout pour sortir vivante de ces Hunger Games. Pour mes parents, pour Nick, pour Lyn et Finn. Et si ce n'est pas le cas je veux que ce soit Ben qui gagne.