𝟎𝟓. killing a guy, again ???
Une pluie déferlante, si épaisse qu'elle formait un rideau de gouttes devant les pieds, empêchant de voir à plus d'un mètre, s'écrasait sur l'île. C'était le genre d'averse qu'Oliver adorait, celle de fin d'été, tiède mais pas brûlante, qui lui procurait la sensation délicieuse d'être plongé dans un bain.
Seulement, normalement, dans son bain il n'y avait que lui —sans compter les quelques tortues, orques, et requins en plastique, qu'il avait conservé depuis le jardin d'enfant, et avec lesquels il jouait encore parfois— et il y restait immobile, les yeux clos, profitant des bulles et du savon. Mais là, il était loin d'être immobile, ou seul.
Il courrait à toutes jambes, saucé jusqu'à la moelle, et les converses brunis par les flaques. Ses chaussettes lui collaient aux orteils, et, même si cela ne le dérangeait pas outre mesure —contrairement à Blake, qui, elle, en aurait fait une syncope— la simple idée de l'odeur, entre le chien mouillé et le cheddar, qui allait se dégager de ses chaussures, une fois rentré, suffisait à le rendre grognon.
Mais il ne pouvait pas s'attarder là dessus. Pas maintenant en tout cas. Plus tard. Sûrement dans le salon, avec JJ, où il lui balancerait ses chaussettes sales au visage.
— La voiture est là, indiqua Pope.
Ils venaient de s'arrêter derrière une clôture en bois, assez large pour les couvrir, et assez basse pour qu'ils puissent observer la scène. Le pick-up du pilote était garé, enfin, "garé", il était à moitié sur le trottoir.
C'était bon signe.
Soit il était très mauvais conducteur —ce qu'Oliver n'excluait pas, au vu des zig zag qu'il avait entamé lorsqu'ils le prenait en filature—soit leur petit numéro de ghostface lui avait assez filé les chocottes pour qu'il ne fasse plus attention à sa conduite.
— Waouh, sympa ta caméra, renfila soudain JJ, moqueur. Où est-ce que tu m'as chopé cette antiquité ? Tu connais les téléphones ?
Oliver se tourna vers ses amis, tout en essorant ses cheveux dans son poing —ce qui était stupide, sachant que dans quelques secondes seulement, ils seraient à nouveau imbibé. Pope, protégé par sa capuche, tenait un appareil photo ne datant pas de la première jeunesse entre les mains.
— Primo, je suis fan de tout ces trucs vintage. Deuxio, y'a un zoom intégré. Ça permet d'avoir une bonne image, même de loin.
— T'es le roi des ringards, souffla Kie.
— Non, c'est malin, riposta Oliver, lâchant ses mèches crépus. Si on doit foutre le père Cameron en taule, faut qu'on le fasse avec des images de qualité.. Sinon, on nous prendra pour des tarés.
Pope lui adressa un long regard reconnaissant. Kie secoua la tête, fixant son attention sur le pick-up;
— En parlant du loup, grogna t-elle.
— On en voit la queue, ajouta JJ, avec un rictus discret.
Oliver lui décocha une calotte —cela devait être sa quinzième de la journée— en plein dans le bout de peau, entre son crâne et sa nuque, lui arrachant une grimace;
— Hé mais j'ai rien-
— Boucle la, pesta Pope, concentré.
Victorieux, Oliver se retint de lui tirer la langue. JJ grinça entre ses dents, promettant que ça se paierait, mais la venue de Ward Cameron, sprintant sous les torrents d'eau, un sac noir calé sous l'aisselle, le fit taire.
Une deuxième silhouette, plus large, apparut alors, courant derrière la première. Gavin. Pope zooma sur eux, une barre entre les sourcils;
— Où tu vas, enfoiré ? Non !
— Quoi ? S'inquiéta Kie.
— Je les aient perdus, merde !
Les deux acolytes s'étaient réfugiés dans un bâtiment en travaux. Impossible de les voir à l'œil nue, bien qu'Oliver essaie, plissant les yeux, rien n'était distinguable à cette distance. Leur seule chance était la caméra, et pour l'instant, elle était aveugle.
Un sifflement aiguë perça les floc floc, Oliver pivota, sur ses gardes. La tension qui le parcourait n'était pas bonne du tout. Son rythme cardiaque frôlait l'infarctus.
Mais, dieu soit loué, ce n'était que JJ, au bout de la ruelle, faisant de grand signes de mains dans leur direction. Quand est-ce que ce crétin s'était éclipsé ?
— J'ai trouvé un truc. Venez !
Oliver le rejoignit en quatre enjambées, suivit d'abord par Kie, puis par Pope, qui, un poil hésitant, guettait quand même dans sa caméra, le retour de Ward.
— Mais, tu t'es téléporté ou ? Grimaça Oli.
— Ouais, avec mes super pouvoirs.
Le blond agita ses doigts sous le nez d'Oliver, comme des pattes d'araignées. Il le repoussa méchamment, avançant en tête de file, grimpant l'échelle que lui indiqua son ami;
— Tu trouves ça drôle ?
— Ouais, beaucoup, surtout que tu te chies dessus.
— Je me chies pas dessus !
JJ rit, escaladant avec aisance.
— Si, et c'est hilarant.
— Vous pouvez pas la fermer ? S'emporta Kie, trempée jusqu'à l'os. Vous pensez vraiment que c'est le moment ?
Il lorgna sur elle, depuis le haut de l'échelle, avant de tourner son regard bleu vers Oliver.
— Tu crois que c'est sa mauvaise période du mois ?
Le métisse haussa une épaule.
— Sûrement. Hé, Kie ! T'as tes framboises ?
— Quoi ?!
Une main sur l'échelle, elle devint rouge de colère. Si bien qu'il n'aurait pas était étonnant de voir l'eau lui tombant dessus, s'évaporer sous la chaleur.
— Je jure que je vais vous étripez. Avancez, bande de cons !
Ils ricanèrent, alors qu'elle maudissait Blake et Sarah, qui étaient en majorité de leur coté.
Elle était de nouveau la seule fille au sein du groupe, et, peut-être avait-elle oublié —ou simplement qu'avant, entourée uniquement de testostérone, elle ne s'en rendait pas compte— mais les garçons étaient des abrutis. Jamais Kie n'aurait imaginé avoir cette pensée, elle qui avait si longuement languit sa place de seule et unique membre féminin des pogues, mais il fallait que les filles reviennent, et vite ! Autrement, il y aurait un mort.
Le point de vue, depuis le toit de l'immeuble, était loin d'être mauvais. La pluie entravait légèrement la visibilité mais c'était un mal pour un bien. Si eux, apercevait difficilement le bâtiment, il était impossible à Ward de les repérer. De plus, la caméra de Pope, elle, n'éprouvait aucun accroc à discerner les protagonistes de l'échange.
— Ward a donné un truc à Gavin, leur apprit Pope. Comme un sac de sport.
— C'est surement du fric, devina JJ.
Oliver, à plat ventre, tenta vainement d'entrevoir la scène, mais tout était brouillé par les flots. De plus, le chantier sur lequel les acolytes se trouvaient avait été préalablement couvert de bâches, compliquant dotant plus cette mission.
Sur les coudes, Pope rampa précautionneusement près du bord;
— Gavin n'a pas l'air content. On dirait qu'il cri sur Ward.
— Pourquoi ? S'enquit Kiara.
Une moue déforma le visage d'Oliver, et il effectua un grand geste de la main, qui éclaboussa l'eau autour de lui.
— Mais comment tu veux qu'il le sache ? Non, t'as raison, c'est vrai qu'on entend super bien d'ici, t'es pas d'accord JJ ?
— Si, sourit-il. C'est comme si ils me chuchotaient à l'oreille.
— Mais vos gueules !
Alors qu'elle s'apprêtait à se jeter sur eux, littéralement, son quota de patience ayant été largement dépassé, Pope hoqueta, brusquement agité;
— Oh merde.
Kiara fit immédiatement volte-face vers lui;
— Quoi ?
— Ils se battent.
Ces quelques mots eurent l'effet d'une douche froide sur les amis. Aucun d'eux n'émis le moindre son, et tous reportèrent leur plus ample attention sur le bâtiment. Et, juste comme Pope l'avait dit, derrière les planches de bois, les bâches, et les sacs, deux silhouettes s'affrontaient avec une énergie brutale.
— Ils font pas semblant, commenta JJ, déconcerté.
C'était peu de le dire, perchés comme ils l'étaient, tels des chouettes guettant des rongeurs —probablement des rats— les quatres adolescents avaient tout le luxe de constater la violence des coups. Ce n'était pas simplement une bagarre, une véritable détresse s'en dégageait.
— Ward est entrain de le démolir, grimaça Oliver.
JJ, happé par le combat, crispait la mâchoire à chaque impacte;
— Mais pourquoi ils se battent ?
— Tu veux aller leur demander ? Ironisa Pope.
Quelques secondes, qui semblaient durer des heures, passèrent, dans un silence absolu, entrecoupé seulement par les halètements de Kie, et les gouttes de pluie, rebondissant sur le goudron en contrebas. Jusqu'à ce que, pétrifié des pieds à la tête, Pope —qui était le seul à avoir une vision correcte de ce qu'il se passait— ne lâche cette phrase terrible;
— Bordel de merde. Ward a un flingue.
— Je parie que c'est l'arme du crime, répondit Kiara, du bout des lèvres.
L'atmosphère s'épaissit autour d'eux, la douce chaleur qui habitait normalement le petit groupe s'évapora, une tension lourde, oppressante, s'écrasa sur eux. JJ et Oliver échangèrent un regard lourd de sens. Ce flingue était la clé de tout. Il était à proximité, il n'attendait qu'eux. La délivrance pour leurs amis en cavale était si proche, et la frustration de ne point pouvoir s'élancer vers elle, allait les rendre dingues.
Oliver essuya l'eau qui ruisselait sur son visage d'une main tremblante de rage. Son regard, qui, d'ordinaire était d'un doux brun, sombre comme une flaque de boue, se voila d'un nuage dense, noir, et se posa sur le corps de Ward, si près, et pourtant si loin.
Lui qui arrivait à peine à le distinguer, de par la distance et la pluie, le vit soudain très nettement. Et, quand Ward se retourna vers Gavin, l'arme au poing, et lui tira dessus, en pleine poitrine, Oliver le vécu comme si il y avait été.
Le sang dans ses veines se glaça, ses yeux s'agrandirent d'épouvante, brouillé par des larmes, piquantes, brûlantes, pâle reflet du torrent d'horreur qui l'engloutissait. Il entendit les autres, ses amis, se récrier, puis s'agiter, mais il resta complétement immobile, mortifié. Une statue de marbre sous une pluie battante.
Puis, lorsque Gavin, assez costaud pour rester sur ses pieds, se jeta sur son agresseur, et que celui-ci réitéra son geste, lui affligeant une nouvelle blessure, fatale cette fois, il eut tout loisir d'écouter la détresse de son entourage, et de sentir, peu à peu, son visage s'alourdir jusqu'à ce que, basculant en avant, il s'évanouisse...
❃❃❃❃
C'était aussi un jour de pluie. Une pluie froide, glaçante, un torrent d'eau dans l'hiver. Le climat à Miami, même en plein mois de Janvier, était d'un ordinaire clément. Mais pas ce jour-là. Ce 21 Janvier 2011, le soleil avait abandonné la ville. Le vent, violent, sauvage, entre les haut immeubles, sifflait dans les oreilles comme un lugubre avertissement. Cette journée sentait la mort.
Tout du moins c'est ce que le garçon se dit, en sortant de l'école. L'air était différent, il s'insinuait dans les corps, d'ors et déjà malmené par le torrent, des habitants, comme du plomb fondu et égoutté. C'était accablant. Aucun des élèves de cette primaire n'avait besoin de cela, leurs cartables était rempli à ras-bord des cours de madame Brown, car cette bonne femme avait décidé que, malgré leur second grade —CM1— ses élèves étaient assez doués pour lire et détailler, son roman préféré "Robinson Crusoé".
De fait, dans son sac à dos bleu, où était gravé ses initiales, et celles de son amie, au marqueur blanc, le livre de 588 pages gigotait, entre ses cartes pokémon, et sa boite à goûter. Enfin, goûter, le mot était bien grand pour la tranche de cake rassis, et un morceau de brochet, emballé dans une serviette, que son grand-père avait fiché là-dedans.
C'était donc avec une certaine euphorie que le garçon avait accepté l'offre de sa meilleure amie et camarade, de partager avec lui son paquet de Reese's. Chaque jour, après l'école, il faisait le trajet ensemble jusqu'à leur rue.
— T'as laissé ton sac à l'intérieur ? S'inquiéta t-il, la bouche pleine de chocolat.
La fille, petite, trapue et blonde, haussa ses épaules, dépourvue de bagage.
— Ouais.
— Et le livre ?
— Je m'en fiche, déclara t-elle en baillant. J'ai le film à la maison.
— Oh.
Il se trouva soudain terriblement idiot. Lui aussi, avait le film, dans l'immense étagère à DVD, qui prenait la poussière dans le vestibule. C'était d'ailleurs à se demander pourquoi il y avait une telle collection, personne de sa famille n'avait le temps de se poser pour regarder un bon film.
Son père et son grand-père étaient dans le port, ou en mer, toute la journée. Quand ils rentraient le soir, éreinté de leur dur labeur, ils mangeaient ce qu'il avait eu l'énergie de leur préparer, après avoir fait ses devoirs —bien souvent il s'agissait de pâtes— ou ils dinaient chez Murray's, le restaurant du coin, avant d'aller se pieuter. C'était la même routine, chaque jour que dieu faisait.
Déambulant sur le trottoir, le garçon scruta la fille, qui s'amusait à sauter par dessus les fractures, entre les dalles rouges. Ses cheveux, coupé en bas des oreilles —par ses propres soins, après en avoir eu marre de les avoir constamment dans le visage— voletait autour d'elle. Elle portait un jean —qu'elle avait troué a de multiples endroits, à force de chahuter— des claquettes bleu, et un haut à manche longue, par dessous un t-shirt, vieux et délavé, si grand qu'il retombait presque sur ses genoux.
Malgré ses goûts discutables, cette enfant était sa seule amie.
Le garçon était arrivé en Floride l'année d'avant. Ses souvenirs de sa ville natale, la Nouvelle-Orléans, était flou, mais il gardait en mémoire le florilège de couleurs, de senteurs, et la chaleur des habitants, qui marquait cet endroit. Si les conditions de son arrivé à Miami était d'une nature plutôt sordide, ce qu'il avait eu le plus de mal à intégrer fut ce dépaysement complet.
Les rues bondées, animées par des cultures, des langues, et des musiques diverses, avait été remplacé par un amas de personnes froides, sans vie, ne respirant que pour amasser toujours plus d'argent. Tout était différent, du plus banal citoyen, au marais, remplacé par l'immensité de l'Océan, jusqu'aux palmiers, qui, dans cette grande métropole, semblait vous contempler avec mépris, de toute leur hauteur.
Son quartier, celui dans lequel la maison de son grand-père se trouvait, l'avait vaguement rassuré. Overtown était le coin le plus pauvre de Miami, mais en cette qualité là, il ressemblait déjà plus à ce qu'il avait connu. De la diversité, de l'art de rue, mélangé à une population variée, allant de la famille sympathique, offrant des pâtisseries, aux criminels notoires. Sans le nombre consternant de voitures de police, rôdant, à l'affut, qui faisait crier leurs sirènes un jour sur deux, ce quartier aurait pu être tout ce qu'il y a de plus normal. Du moins, c'est ce qu'il pensait.
Il avait rencontré la fille, cinq jours après avoir emménagé, elle jouait dehors, assise juste devant son portail, avec un autre garçon. Quand il s'était rapproché, intrigué par leurs braillements, il avait d'abord cru voir double, et, il n'était pas si loin de la vérité. Deux corps, à la physionomie identique, s'affrontait aux billes.
— T'as pas le droit de faire ça, tu triches Blake !
— Je triche pas, t'es qu'un mauvais perdant.
— C'est même pas vrai, tu triches ! Je veux plus jouer.
La fille avait révélé la tête, excédée, et une paire d'yeux, aussi brun que l'écorce d'un chêne, s'était accroché à lui. Ce regard l'avait transpercé, brutalement, et son corps tout entier s'était recouvert de chair de poule. Les poils de ses bras s'étaient dressés, et quand, apeuré, il avait tenté de faire un pas en arrière, la fille s'était relevé, poings sur les hanches, avant de l'apostrophé;
— Hé toi !
Il avait pointé son doigts vers son torse, les yeux ronds comme des billes.
— Oui, toi ! Viens par là.
Tremblant, il s'était approché de ce petit corps, presque une tête de moins que lui, qui s'exprimait avec l'autorité d'un général de guerre. Et, arrivé à sa hauteur, elle s'était détournée de lui, concentrant son attention sur les billes multicolores à ses pieds.
— Tu sais jouer ? Avait-elle finit par demander, après une minute.
Incapable de s'exprimer, il balbutia un maigre "oui".
— Parfait ! Alors tu peux jouer avec moi.
Puis elle avait jeté son menton vers le sol.
— Bee, au revoir.
Le garçon, aux traits étrangement similaire au sien, estomaqué, s'était levé en pestant, et avait dépassé Oliver, lui marmonnant un "bonne chance" au passage.
Cette après-midi là, Oliver Flynn Abrams avait fait la rencontre de Blake Kaden Knight, et depuis, il ne l'avait jamais quitté. Elle était comme un aimant, malgré son caractère austère et, n'ayons pas peur des mots, franchement déplaisant, il ne savait pas s'éloigner d'elle. Dans cet océan d'hypocrisie dégoulinante, elle était d'un franc-parler sans égale —tout du moins, avec lui.
— Oli !
Le garçon battit des cils, perdu dans sa contemplation d'un grade-ciel, l'esprit immergé dans ses souvenirs. Blake se tenait là, les sourcils froncés, et une moue mécontente tirant ses lèvres.
— Tu m'as dis quelque chose ?
Elle roula des yeux vers le ciel, irritée.
— Tu veux venir le voir à la maison ?
Encore un peu à l'ouest, il mit quelques instants avant de saisir le sens de ses mots.
— Euh...
Second roulage d'œil —elle allait définitivement finir par les faire passer de l'autre côté de l'orbite.
— Le film, précisa t-elle. Andouille.
— Oh !
Il hésita, serra les lèvres.
Son père et son grand-père ne lui dirait rien, n'est-ce pas ? Après tout, c'était pour l'école. Et puis flûte, c'était tout de même vendredi, il avait le droit de se détendre.
— Ça marche ! Répondit-il, un grand sourire éclairant son visage.
Blake le zyeuta une seconde, acquiesça, et recommença son jeu enfantin avec les dalles.
Ils bifurquèrent dans une ruelle plus cafardeuse, où les feuilles, les déchets de plastique et de cartons, se mirent à virevolter, étreint par la force impérieuse du vent, qui les jetaient vers le ciel, avant de les faire s'écraser, puis rouler, aux pieds du garçon. Au bout de cette rue débouchait un large panel de maisons, immeubles et bungalow, aux peintures terne, décrépis, et austères.
Overtown.
— Le film est bien ?
— Jamais vu, répondit simplement Blake.
Oliver shoota d'un coup de pied enthousiaste dans une cannette de bière vide, échoué ici, soit par un amateur des substances qui se vendaient à foison, dans ces passages lugubres, une fois la nuit tombée, soit par un habitant des appartements en hauteur, qui ne s'embêtait pas à descendre les marches de l'escalier de fer, pour jeter ses détritus, considérant cette ruelle, comme une poubelle en elle-même —ce qui n'était pas complétement inexacte.
— Tout ces trucs d'île déserte et de survie, c'est pas mon truc, expliqua t-elle. Bee le connais par cœur, il sera certainement ravi d'en parler, de toute façon il n'a que ça à faire. Je n'arrive pas à croire que maman lui laisse sécher l'école, c'est pas juste !
— Il ne peux pas plus bouger du lit, parce qu'il a chopé une mauvaise grippe ?
Remontée comme un coucou, elle jeta les bras en l'air.
— C'est exactement ce que j'ai dis.
Un rire sincèrement amusé, agita la poitrine du garçon, tandis qu'ils émergeaient, enfin, de la longue ruelle, retrouvant la clarté orageuse de la météo. Expirant par le nez —tel un porcelet asthmatique—toute son hilarité face à la mouille mi- exaspérée, mi- rageuse de son amie, il secoua la tête.
— Tu es vraiment b-
La fin de sa phrase mourut dans sa gorge. Dans la rue, d'ordinaire calme à cette heure, était rangée une multitudes de voitures de police, trois ou quatre, gyrophares scintillant dans le vent, portières grande ouvertes, et leurs conducteurs absents.
— Qu'est-ce qui se passe ? S'inquiéta Blake, un quart de face illuminé sous les faisceaux bleus et rouges.
Oliver se posait aussi la question, il fouilla le lieux du regard, et, bien malgré lui, eut la réponse...
— Ecartez-vous, les mains en derrière le dos, au sol ! Au sol !
Le petit garçon, à la frêle allure, trop maigre pour ses habits, fit tomber son cartable, et le tintement de sa breloque, accrochée à la lanière, de Donatello, dans une flaque d'eau, précéda son cri de détresse;
— Papa !
❃❃❃❃
Oliver battit douloureusement des cils. Il releva la tête avec une grimace, quand il sentit sa nuque se plaindre, raide et douloureuse. Il souffla l'air de ses poumons, le corps un peu engourdi, tandis qu'il se redressait, sur son...et bien, son lit.
Enfin, "son lit", celui de la chambre d'ami, qui lui avait était attribué dès sa première nuit dans l'immense demeure des Knight, mais dans lequel il n'avait dormis qu'une poignée de fois, tantôt avachi dans la cabine de son petit bateau, tantôt dans le grand lit de Blake.
Il avait fait un sale cauchemar. Du moins, il aurait préféré. Ce cauchemar était bien trop réaliste, bien trop semblable à celui qu'il faisait désormais depuis près d'une dizaine d'années. Mais, comme à chaque fois, il le repoussa loin, très très loin dans son esprit, avec assez de vigueur pour le faire complétement disparaitre. Il le retrouverait dès qu'il s'assoupirait, il le savait, mais tant que le soleil était levé, il ne viendrait pas toquer aux portes de sa conscience.
Sa conscience. Cette garce. Sa pire alliée de jour, sa meilleure ennemie de nuit.
— Oli ?
Hagard, il releva le nez de la moquette au sol, et son regard tomba sur Sienna, dans l'entrebâillement de la porte, à demi-ouverte le visage tiré, sa peau dorée, blême à présent, ses cernes, qu'elle avait couvert d'une dose indécente de maquillage. Ses habits étaient chiffonnés, mais elle avait trouvé la force d'enfiler une robe ample, et sobre. Malgré tout —après les évènements qu'elle avait vécu ces dernières semaines, personnes ne lui aurait tenu rigueur de son laissé aller— elle gardait cette élégance, cette douceur gracile qui lui était propre.
— Comment te sens-tu ? s'enquit-elle gentiment.
Sa voix était plus basse que d'ordinaire. Plus rêche, aussi. La voix d'une femme qui s'évertuait à maintenir en place la façade, d'une maison qui s'était pourtant écroulée.
Il savait qu'elle avait pleurée, au nombres conséquent de mouchoirs usagés, qui dégueulait de la poubelle, mais, elle ne laissait jamais couler une larme devant eux, JJ ou lui, pas une fois, même quand eux, s'était effondrés dans ses bras.
La nuit de la "disparition" de John B, Sarah, et Blake, lorsqu'ils s'étaient tous retrouvés sous ce chapiteau de police, et qu'on leur avaient annoncés que leurs amis, n'avaient pas survécus au naufrage du Phantom, chacun d'entre eux avaient eu l'impression de mourir un peu. Kiara s'était écroulée au sol, soutenue par ses parents, le visage ravagé par le chagrin. Le père de Pope s'était précipité sur lui, pour l'étreindre de toute ses forces. Quant à eux, JJ et lui, ils s'étaient retrouvés seuls, anéantis par la plus terrible nouvelle qu'ils n'aient jamais eu à endurer.
Jusqu'à l'arrivée de Sienna, dans son pyjama beige, Oliver se souviendra toute sa vie de son expression ce soir-là, de ses yeux brun, assombris par la tragédie, qui les avaient regardés avec une force nouvelle. Elle ne s'était pas brisée. Elle avait tout perdue, l'homme qu'elle aimait, son neveu adoré, et l'espoir que Blake, un jour, puisse la voir comme une mère, de la même façon qu'elle la voyait comme une fille. Pourtant, elle ne s'était pas brisée. Elle avait tenue bon, pour eux.
Il s'en doutait, de la manière dont il avait perçu son câlin, et ses mots tendres et réconfortants, à cet instant là, qu'elle s'était appuyé sur eux, autant qu'ils s'étaient appuyés sur elle.
— Bien, toussa t-il, en passant une main sur son visage. Comment j'ai atterri ici ?
Elle s'avança dans la pièce.
— JJ t'as déposé. Tu me fais un peu de place ?
Il s'écarta légèrement, et elle s'assit à ses côtés. Elle sentait le savon.
— Tu t'es évanouis. Les autres sont partis au poste de police. J'ai essayé de retenir JJ mais ce petit c...filou, s'est carapaté en vitesse. Tu veux m'expliquer ce qu'il s'est passé ?
Aie. Bon sang, il avait oublié de la prévenir. Oublié. Comment diable avait-il pu oublier ? A sa décharge, tout c'était enchainé à une vitesse difficilement folle, Sienna n'avait pas été à la maison —occupée à gérer les affaires juridiques concernant les biens d'Adam— et il n'avait pas eu une seconde de répits, depuis ce coup de téléphone, la veille.
— Il faut que je te montre quelque chose. C'est bien que tu sois assises, t'aurais sûrement eu besoin d'une chaise.
Elle fronça les sourcils, mais avant d'avoir eu le temps d'ouvrir la bouche, Oliver récupéra son smartphone dans sa poche, le déverrouilla, avant de lui planter sous le nez.
— Qu'est-ce que...? Par tout les dieux...
Sa longue main tremblante devant sa bouche, Sienna parcouru l'écran des yeux. Des yeux embués. Pour la première fois depuis quelque temps, son visage s'éclaira, ses joues rosirent, alors qu'une larme perla au coin de son œil.
— Ils vont en vie ? Oli, ils sont vivants ?
— Oui, sourit-il, désespéré de lui annoncer la bonne nouvelle. Désolé de pas te l'avoir dit avant, mais ils vont bien.
— Ils vont bien, répéta t-elle.
Ses doigts écrasèrent le téléphone, et, avec un long soupir chevrotant, elle le plaça contre son cœur, clos les paupières, et se mit à pleurer, des grosses gouttes sillonnèrent ses joues. Oliver en éprouva un soulagement intense, il partageait sa joie, plus qu'elle ne pouvait l'imaginer. Cela dit, il ne bougea pas, Sienna avait besoin de vivre ce moment seule, et d'en éprouver chaque sentiment.
Après quelques minutes dans un silence serein. Elle rouvrit les yeux, des yeux dont la flamme de vie s'était ravivée.
— Où sont-ils ?
— A Nassau.
Elle se leva sur l'instant, essuyant ses joues d'un revers de la main.
— Je vais les chercher.
— Oula, non !
Oliver se leva à son tour, et s'adressa à elle avec la plus grande des douceurs.
— Je voudrais qu'il rentre moi aussi, vraiment, bordel si je pouvais prendre le premier avion, j'irais ! Mais John B est toujours accusé de meurtres Sien'.
Elle se rembrunit, comme si, la réalité obstruée par sa joie, l'avait de nouveau frappée.
— Il faut le faire innocenter.
— Crois-moi, on y travaille.
Il grimaça en se souvenant de pourquoi il s'était évanoui, Ward avait peut-être fait taire le seul témoin, il fallait qu'il appelle les autres, il devait savoir le fin mot de l'histoire. Si ce salopard se trimballait en tuant des être humains comme ça, parce qu'il avait une arme chargée, et que c'était facile, quelqu'un devait l'arrêter.
Sienna posa une main sur son épaule, et quand il rencontra son regard, il ne lut que de la détermination, soupoudré d'une rage sombre.
— Alors je vais vous aider.
- Gigi
N'HÉSITEZ PAS, VOTEZ ET COMMENTEZ <3
"coucou les enfants, je suis de retour, j'espère que vous êtes tous prêts pour la suite de Golden. un an, je sais, c'était long. l'important c'est que je suis là, maintenant, ravie de reprendre l'écriture de mes livres, mes enfants, et j'ai véritablement hâte d'avoir vos retours !"
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