𝐅𝐫𝐢𝐝𝐚𝐲 𝐧𝐢𝐠𝐡𝐭
(⚔️)
— Tourne à droite.
— C’est un cul-de-sac. Il n’y a personne.
— Tu ne le vois peut-être pas mais ça ne veut pas dire qu’il n’est pas là. Toi aussi tu es invisible je te rappelle.
Chan marmonna quelque chose dans sa barbe inexistante et tourna à droite, comme Hyunjin le lui avait indiqué. Il avançait, lentement, analysant son environnement à la recherche d’un échappatoire, de potentielles arme, et endroits qui lui faudrait à tout pris éviter s’il voulait s’en sortir vivant. Ils ne connaissaient pas la force de son adversaire — ne savaient même pas à quoi il ressemblait, pour ainsi dire. Hyunjin avait seulement détecté une source de chaleur anormale dans cette ruelle, à l’aide de ses différents drones patrouillant dans le quartier.
— Tu avances droit dedans.
La voix de Hyunjin interrompit son analyse, mais c’était peut-être pour le meilleur. Chan le sentait enfin. Il sentait enfin l’odeur de pourriture, de mort qui était commune à toutes les personnes transformées en monstres. Il regarda autour de lui. Même si Hyunjin avait dit qu’il marchait en plein dans le monstre, il en avait rencontré plus d’un apte à être à deux endroits simultanément. C’était la routine. La maladie prenait tellement le pouvoir que l’humain pouvait être entièrement consumé. Une fois, il avait eu à faire à une chimère. Un mélange entre lion et gazelle. Il ne restait plus rien d’humain à ce monstre. Même pas une oreille, ou le détail le plus infime. Rien. Ça avait été une bataille éprouvante, le virus ayant un contrôle total. Quand il restait de l’humain, celui-ci se battait jusqu’au dernier moment, s’auto-sabotait. Ça facilitait la tâche, même si ça restait un combat compliqué.
— Je crois qu’il fait dans les trois mètres. Et il va bientôt se rendre visible, sa trace thermique est de plus en plus présente. Ça ressemble à…
Il n’eut pas besoin d’attendre la fin de la phrase, la créature se révélant sans aucune cérémonie. Cela voulait dire que quiconque passerait pourrait le voir, ce qui n’était pas une bonne très bonne nouvelle. Malheureusement il fallait prendre ce risque pour que Chan puisse l’éliminer. Il n’existait pas plusieurs formes d’invisibilité, soit on l’était soit on ne l’était pas. Il l’était, pourtant le monstre semblait le regarder. Comme s’il avait une seconde vision.
— Il me voit.
— Il regarde à travers toi, mon drône est juste derrière toi.
Il se retourna pour constater que Hyunjin ne mentait pas, et un juron lui échappa. Décidément ces gadgets étaient beaucoup trop silencieux. Cela pouvait être un avantage. Mais pas tout le temps.
Il retourna son regard vers le monstre, prenant du recul pour le voir en entier. C’était la première fois qu’il voyait une bête comme ça. Elle était particulièrement haute, probablement de trois à quatre mètres. On aurait dit une plante mutante, étrangement belle. Chan ne s’y connaissait pas vraiment en plantes, il ne saurait dire ce que ce monstre était, mais il y avait plusieurs fleurs qui remontaient le long de la tige, jusqu’à ce qu’une soit bien plus grande que les autres. Au centre de cette fleur-ci, il y avait comme une plus petite tige, recouverte de pollen sûrement. Sur le bout de cette tige, il remarqua deux sortes d’antennes, qui bougeaient dans tous les sens. Soit c’était ses yeux, soit c’était ce qui lui permettait de se repérer dans l’espace, et de repérer des proies. Il baissa son regard, et ce qui devait être la base tige était coupée en trois de part et d’autre — ses jambes. Le long des six pattes, il y avait des piques, qui faisaient étrangement penser à des épines, mais qui ressemblaient plutôt aux dard des abeilles. Pour agripper la proie.
— Si je l’enflamme on en sera débarrassés rapidement ? »
— J’en doute sincèrement. Si tu veux mon avis son point faible c’est la base du nectarie.
— Du..? Je m’y connais pas en fleurs Hyunjin je comprends que dalle là.
— Tu as à faire à une rose trémière, le nectarie c’est la sorte de touffe au centre de l’étoile, à la base des pétales.
Chan n’était pas spécialement plus avancé sur ce monstre, mais le brûler devait sûrement faire l’affaire… Il savait que le pollen était extrêmement inflammable — il avait déjà mis le feu à plusieurs fleurs… Qui n’étaient pas mutantes ni des monstres. Maintenant, il lui faudrait juste de quoi foutre le feu. Et ça c’était un peu moins possible. Il n’avait ni le matériel, ni légalement pas le droit de dégrader les structures alentour même si c’était pour sauver la vie à plein de gens.
— Bon.. Eh bien, c’est parti.
Et sans plus attendre, Chan sauta en hauteur, afin d’atteindre la plante au sommet le plus simplement et précisément possible. Ce cas ne risquait pas d’être bien compliqué, il avait juste à arracher le centre de la fleur. Ce devait être dans ses capacités normalement.
Pourtant, on lui avait toujours appris que rien n’était aussi facile que ce qu'on pensait. Mais il avait toujours aimé se dire qu’il était plus fort que tout. Même plus fort que le virus. Si ça n’avait pas été le cas, il serait déjà mort.
Une inspiration et il s’élança, se réceptionnant sur l’un des pétales tant bien que mal. Ce dernier n’avait pas cédé sous son poids, prouvant bien que la mutation causée par le virus était puissante. Ça devait être une expérience de voir une plante pousser sur soi. Ça devait en être une autre de se faire dévorer par cette dernière jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de l’humain touché par le virus.
Si le brun l’avait voulu, il aurait pu s’allonger sur la plante, aucune partie de son corps n’aurait dépassé. En fait, il était plus petit que cette fleur, pareil à une fourmi si on le comparait à l’entièreté de la plante. Bon, ce n’était pas l’heure d’avoir honte de sa petite taille, il avait d’autres qualités quand même…
Chan s’approcha du centre de la fleur, manquant de s'étouffer avec tout le pollen rassemblé à ce niveau. Ne manquerait plus qu’il soit allergique et ce serait une mort cocasse. C’était trop tard pour prendre une nouvelle inspiration pour se mettre en apnée, alors il avança jusqu’à être à côté de la ‘touffe’. Celle-ci lui arrivait presque au ventre. C’était moins grand que ce qu’il aurait pensé, et donc, probablement encore plus simple pour l’arracher.
Il approcha ses mains à la base de la touffe, l'empoigna fermement et tira dessus… Sans résultat. Enfin, si. Il y eut bien un résultat, seulement ce n’était pas celui escompté. Quelque chose, il n’eut pas le temps d’identifier quoi, s'abattit sur lui. Ou plutôt lui fonça dessus. Sur le moment, Chan se moquait de comment ce monstre l’attaquait, le plus important était qu’il était attaqué.
— Ce sont les fruits de la fleur, quand elle fane ça devient un fruit plat. C’est ça qui t’attaque. Le mieux que ça puisse faire c'est de t'écraser. C’est pas pointu. Ça n’a pas de poison. En fait, cette plante est totalement comestible.
— T’es en train de me dire que je pourrais la bouffer là, si je le voulais ?
Une pause, sûrement le temps que Hyunjin se rendît compte de ce qu’il venait de dire. Pendant ce temps, Chan en profita pour s’éloigner du monstre, sautant de nouveau pour atterrir sur le toit derrière lui. Il arrivait à esquiver ses coups, mais tôt ou tard il tomberait dans le vide. Certes il avait des ailes, mais plutôt défectueuses. Il n’arrivait jamais à tenir en vol plus de quatre minutes d'affilée. Ce qui n’était clairement pas assez.
— La bouffe pas. C’était quand même un humain à la base. Ce serait du cannibalisme j’imagine…
Chan étouffa un rire, s’efforçant de rester concentré. Il avait juste hâte que ça se termine. De nouveau sur le toit le plus proche du monstre, il sortit son katana de son fourreau. L’arme était une prolongation de son bras. Il ne devait faire qu’un avec… Il prit une inspiration, et s’élança de nouveau sur les pétales du monstre. Celui-ci bougeait ses tiges dans tous les sens, ne sachant pas où était sa proie. C’était pratique d’être invisible. Bon, après il n’était pas totalement indétectable. Il imaginait que si la plante avait commencé à attaquer dans tous les sens, à l’aveugle, c’était car elle n’avait pas trop aimé qu’on touche à son nectarie. Par contre elle n’avait pas réagi lorsqu'il avait atterrit dessus, alors peut-être que la plante n’était pas assez sensible pour le sentir ?
Alors qu’il tranchait les tiges sans réfléchir, une musique se mit soudain à retentir dans son oreillette.
— Qu’est-ce que tu fous Hyun ?
— Je nous mets dans l’ambiance ! Derrière toi !
Chan se retourna juste à temps pour trancher une tige, le fruit tombant à ses pieds. Bon dieu quelle était la puissance de régénération de cette bête ? S’il s’attardait trop longtemps à couper toutes les tiges, il n'atteindra jamais le centre de la fleur. Alors il se mit à courir vers l’étoile, sautant par-dessus certaines tiges, coupant d'autres. Il y était presque. À à peine un mètre, vraiment.
Pourtant la seconde d’après il était propulsé contre un mur. Tout son corps le faisait souffrir, il n’avait pas du tout eu le temps d’amortir la chute. Pour une fois que ses ailes lui auraient été pratiques… Bon, il n’avait pas de temps à perdre, ce combat durait un peu trop longtemps à son goût… C’était donc ça de sous-estimer son adversaire…
— Tu n’es plus invisible, le choc à dû casser le boitier… Hyunjin lui annonça, une tension évidente dans la voix.
Il se releva, cherchant son katana du regard. Merde. Il était trop loin. Et vu toutes les tiges qui fonçaient sur lui, il n’allait pas avoir le temps de le récupérer. Tant pis, il allait devoir utiliser ses mains. Si le virus lui avait apporté quelque chose de positif, c’était bien la force sur-humaine. Malheureusement, elle avait ses conséquences. Et Chan, sous les supplications de Hyunjin essayait de l’utiliser le moins possible.
Mais là, il n’avait plus trop le choix. Il inspira un bon coup, tentant de se calmer pour invoquer cette force qui le consumait. Il fallait juste qu’il se sente surpuissant. Imbattable. Il rouvrit les yeux, se servant de ses mains seules pour arracher les tiges qui osaient s’approcher un peu trop près de lui.
Il sauta, un peu surpris de sauter beaucoup plus haut qu’il ne l’avait prévu, mais au moins il échappa totalement aux tiges. La seule chose qu’il lui restait à faire, c’était de déployer ces ailes qui ne demandaient qu’à être utilisées. Lorsqu’il augmentait sa force, il pouvait voler deux fois plus longtemps — dit comme ça, ça pouvait paraître impressionnant mais ça lui permettait juste de voler huit minutes. Malheureusement ce n’était pas la seule chose qui était augmentée.
Mais au moins il pouvait foncer droit dans l’étoile de la fleur, et y arracher la touffe. Évidemment, ce ne fut pas suffisant, ce que Chan vit fut une sorte de bulbe qui semblait respirer. Non. Pas un bulbe. Un cœur humain.
Il prit une inspiration, et arracha le cœur à pleine mains. Il l’observa battre encore quelques secondes avant de s’arrêter complètement. Et avec lui, la plante commença à se désintégrer. Il retourna sur le toit le plus proche et regarda la plante disparaître.
C’était presque ironique, comme c’était aussi simple de mourir. Le virus n’était rien sans le cœur. L’humain n’était rien sans le cœur. Rien n’était sans un cœur. Enfin, c’est ce que disait Chan avant que Hyunjin ne lui rappelle que certains animaux vivaient très bien sans cœur. Il ne rétorquait jamais, parce que ce serait vain de commencer un débat sur le fait que ce n’était pas ce qu’il voulait dire.
— C’était impressionnant ! Bravo Chanie !
Le susnommé releva la tête vers Hyunjin, un mince sourire fatigué planant sur ses lèvres. Chan n’arrivait pas à se dire que c’était impressionnant, tout s’était déroulé lentement, et c’était juste la routine. Mais à chaque fois le plus jeune trouvait un moyen de le complimenter.
— Ne dis rien ! T’as eu des combats plus longs que ça ! Certes tu en as aussi eu des plus rapides mais ce soir tu es juste dans ta moyenne ! Et puis ce monstre s’est révélé plus robuste que ce qu’on pensait. Tu t’en es très bien sorti, Chanie.
En voyant l’enthousiasme de Hyunjin, Chan ne pouvait décidément pas le contredire, alors il le remercia, et s’appuya sur ses bras en se penchant en arrière pour observer la voûte étoilée. Il ne restait rien du monstre, du virus… Et ce serait leur tour, lorsque le virus aurait pris totalement possession de leur corps. Il partirait en cendres dès qu’on leur arracherait leur cœur.
— Tes pensées crèvent les yeux, Chanie. Arrête de penser à la mort et profite plutôt des moments qui nous restent. On a de la chance d’avoir Ka.Ki pour nous administrer leur médicament… Si ce n’était pas le cas, tu serais devenu un ange déchu et moi un serpent. Et même si dans toutes autres circonstances, ça aurait été vachement cool, là c’est pas le cas. Profitons ! Profitons de pouvoir respirer, de pouvoir marcher dans les foules, profitons de pouvoir manger, de pouvoir regarder le ciel. Profitons d’être encore un peu humains avant que ça ne soit plus le cas.
La voix de Hyunjin craqua un tout petit peu à la fin, et il savait qu’il se retenait de pleurer, comme à chaque fois. Ils n’en parlaient pas beaucoup, de leur mort prochaine, même si Chan y pensait presque constamment. Il l’attendait, cette connasse, il attendait qu’elle vienne le chercher.
— Enfin peu importe ! Et si justement on allait profiter de la vie un peu ?
Chan tourna enfin la tête vers Hyunjin détaillant les traits de son visage comme si c’était la toute première fois qu’il le voyait. Il souriait, de ce sourire qui voulait remonter le moral alors qu'il n'était lui-même pas très joyeux. Et ses yeux, ils avaient le même air que son sourire. Ils tentaient désespérément de cacher leur peine sous une joie forcée. Ça brisait quelque chose en lui à chaque fois qu’il le voyait ainsi.
Hyunjin se pencha vers lui pour lui déposer un tout petit bisou sur les lèvres, avant de se redresser, et de s’étirer. Chan l’imita, et observa la ruelle en contrebas. Elle demeurait vide, mais on entendait le murmure de la foule dans la rue principale. À la sortie de cette ruelle se trouvaient tous ceux qui pouvaient encore profiter de la vie, sans avoir à s’inquiéter du virus.
Bien sûr ils faisaient attention, mais le virus agissait de manière aléatoire, on ne savait pas trop comment il se répandait. On savait juste qu’il était là, tout le monde en avait conscience, mais beaucoup arrivaient à faire comme si de rien n’était. On avait beau étudier des malades, on ne trouvait pas sa cause et donc, pas de vaccin qui l’éradiquerait. On savait juste qu’il n’était pas transmissible, parce que sinon beaucoup plus de gens qu’actuellement seraient morts. On savait qu’il transformait le malade en ce qui l’avait obsédé pendant la plus grande partie de sa vie. On savait que les monstres étaient invisibles à l’œil nu, sauf si on était également infecté, ou qu’on portait des lentilles créées par Ka.Ki.
— Y a un nouveau food-truck qui s’est installé à deux pas de chez nous, on devrait aller essayer ! Je crois que leur spécialité c’est l’okonomiyaki.
En voyant le regard confus de Chan, Hyunjin ne retint pas une exclamation outrée et particulièrement exagérée.
— Tu sais pas ce que c’est ? Oh mon dieu. Il faut qu’on y aille alors !
— Mais ça ressemble à quoi ?
— C’est genre une galette d’aliments grillés— c’est super épais ! La « pâte » peut contenir du choux, des œufs, du porc grillé, du poisson, des algues, des légumes… Tous ensemble ! Ça cale bien. En plus tu dois avoir faim là !
Chan devait bien avouer que oui, il mourrait de faim. Utiliser son « pouvoir », cette force surhumaine, consumait énormément d’énergie et il avait déjà une chance énorme de ne pas avoir perdu connaissance. Il était extrêmement chanceux qu’aucune conséquence ne soit apparue pour le moment. Qu’aucune crise ne soit encore survenue.
Hyunjin attrapa la main de du plus vieux, entremêlant leurs doigts avant de le tirer vers l’escalier de service. Hyunjin lui donna un nouveau boîtier pour l'invisibilité, et se mêlèrent à la foule. Chan n’aimait pas spécialement se retrouver entouré d’innombrables personnes qui marchaient sans vraiment regarder autour d’eux. Et surtout, il était jaloux qu’ils n’aient pas à se soucier de se transformer en monstres. Il était condamné à finir sa vie caché des humains tout en étant au milieu d’eux, et c’était terrible.
Hyunjin pouvait encore apparaître en public, comme sa transformation n’avait pas encore atteint son visage, à part ses yeux. Mais il pouvait porter des lunettes de soleil.
Mais bon, déjà Chan était vivant et c’était une chose n’est-ce pas ?
— Qu’est-ce que je peux faire pour que ça aille mieux Chan ?
Le susnommé releva son regard vers Hyunjin, qui arborait son expression inquiète phare et qui faisait culpabiliser Chan de ne pas se sentir bien. Il tenta un sourire, mais au vu de l’expression que lui renvoyait son partenaire, ça ne devait pas être très fameux.
— Rien. Enfin, j’ai juste besoin de me changer les idées.
Un sourire que Chan connaissait particulièrement bien, entre la timidité et la perversion, illumina enfin le doux visage de Hyunjin. Il n’eut pas besoin de parler pour que le message passe plutôt bien entre eux.
C’était ce que Chan aimait le plus chez eux deux. Pas besoin de parler pour se comprendre. Ils étaient souvent plus ou moins sur la même longueur d’onde. Et puis, quand on oubliait Ka.Ki et leur sort, leur relation était simple. Ils… s’aimaient, prenaient soin l’un de l’autre, vivaient comme un couple sans pour autant en être un. Ils n’avaient pas besoin de label et c’était ce qu’il préférait.
Il leur avait fallu cinq minutes à peine pour rejoindre leur van de travail. Une fois dedans, ils purent enfin enlever les différents gadgets qui les protégeaient, autant d’attaques que du regard humain. Chan n’était jamais très à l’aise dans le van, ses ailes n’aimant pas spécialement être pressées contre le siège.
Ils ne leur restait plus que leur combinaison et ils purent se mettre en route vers leur propre quartier. Celui-ci était à une vingtaine de minutes de leur point de départ, et c’était Hyunjin qui conduisait en s'époumonant sur la playlist qu’il avait lancée. Chan l’écoutait avec un vague sourire flottant sur ses lèvres, la fatigue le rattrapant d’un coup.
— Hop on y est !
S’écria Hyunjin en tirant le frein à main. Il revola un petit baiser à son amant avant de sauter hors du van et était déjà de son côté lorsque Chan ouvrit sa portière. Ce gamin avait vraiment trop d’énergie à rester à l’intérieur du van pendant que lui se battait contre toute sorte de monstres.
Enfin, de toute façon il savait que ce n’était que passager, il se poserait et l’énergie reviendrait naturellement.
— Je vais prendre une douche et tu vas nous chercher à manger ? Je t’attendrais sur le toit.
— Yep, fais toi beau ! Par contre la douche va-t-elle vraiment servir si on…
Un nouveau sourire, beaucoup moins timide celui-là, éclaira le visage de Hyunjin, et après avoir volé un troisième bisou à Chan, il partit presque en trottinant vers le fameux food truck, lui laissant tout la liberté du monde pour aller se « faire beau ».Le culot alors que c’était Hyunjin qui passait trois quart d’heure dans la salle de bain à se pomponner…
Chan se tourna vers l’immeuble dans lequel Ka.Ki les logeait. C’était un complexe presque luxueux, et le duo avait hérité d’un loft avec accès sur le toit. Même l'ascenseur était luxueux et parfois Chan se demandait pourquoi mettre autant d’efforts dans ce genre de services quand ceux qui les empruntaient n’en avaient vraiment rien à foutre. Mais bon, il devait sûrement arrêter d’être aussi grincheux.
Arrivé à leur étage, il déverrouilla la porte et marqua une petite pause sur le seuil pour absorber l’odeur, la chaleur du lieu. Il était chez lui. Chez eux. Quand ils avaient vu l’appartement pour la première fois, Chan et Hyunjin avaient été frappés par la froideur du mobilier et par le manque de décoration. Ils avaient passé une semaine à tout aménager pour se sentir bien ici, après une longue journée et une longue nuit de travail.
Il referma la porte derrière lui et fila directement en direction de la salle de bain. Une fois sous l’eau bien chaude, Chan sentit ses muscles se détendre un peu, et songea avec regret au massage qu’il aurait pu avoir si Hyunjin était là. Bon, il l’aurait sûrement après de toute façon.
Une fois bien propre, le sang qui ne lui appartenait pas évanoui avec l’eau, Chan regarda un peu plus attentivement son corps dans le miroir face à lui à la recherche de la moindre égratignure. Il allait forcément avoir des ecchymoses, mais au moins la plante ne l’avait pas blessé plus que ça.
Il observa ensuite ses ailes, toujours aussi laides et qui l'obligeait à se cacher du monde. Elles ne ressemblaient vraiment à rien, à moitié déplumées, petites, penchées en un angle qui faisait croire qu’elles étaient cassées alors qu’elles ne l’étaient pas. Il inspecta ensuite son crâne, où de minuscules cornes noires poussaient également. Il pouvait encore les cacher avec ses cheveux, mais c’était encore un attribut qu’il détestait. Son regard retomba sur son torse, ses jambes, où certaines veines étaient devenues noires. Le virus ne l’épargnait vraiment pas.
La seule chose qu’il aimait sur son corps était son tatouage juste en dessous de ses pectoraux. Il représentait des ailes de papillons avec un serpent à la place du corps, quelque chose que Hyunjin avait dessiné rapidement avant que Chan ne l’emmène chez un tatoueur pour l’avoir sur sa peau.
— Je suis de retour !
Et après cette déclaration, la porte d’entrée claqua, et un bruit de plastique se froissant retentit, avant que Hyunjin ne passe la tête par la porte de la salle de bain.
— Tu es prêt ?
Il demanda doucement, se rendant compte de ce qu’il venait d’interrompre. Il en était content d’ailleurs, détestant savoir que Chan se sentait si mal dans sa peau, et qu’il ne pouvait rien y faire malgré tout l’amour qu’il lui montrait.
Il hocha la tête, forçant son regard à quitter le miroir pour aller chercher de quoi s’habiller. Il opta pour un simple short et débardeur, mais même si c’était la plus banale des tenues, c’était suffisant pour que Hyunjin ne le quitte pas des yeux. Et c’était peut-être bien tout ce qu’il fallait à Chan.
Au moment de monter l’escalier vers le toit, Hyunjin insista un peu trop pour monter après Chan, et ce dernier ne pouvait empêcher un rire de lui échapper. Il savait exactement ce que voulait le plus jeune et le fait que ça faisait bien des mois qu’il n’était plus discret à ce propos était un peu libérateur. Plus de tension, enfin, plus de tension inexpliquée, de regard lourd et cette sorte de « je te tourne autour mais tu dois faire le premier pas. »
Chan avait fini par faire le premier pas, pour leur plus grand bonheur à tous les deux, et depuis ils n’avaient juste plus besoin de parler. Et il aimait ça, se parler avec les yeux, être tellement sur la même longueur d’onde que les mots étaient superflus et qu’il n’y avait plus de frustration, ni de tension à cause de non-dits. Parce qu’ils se lisaient comme des livres ouverts. C’était sûrement ça d’être tout le temps ensemble.
— Ça va, la vue est à ton goût ?
— Absolument !
Ils rirent tous les deux, et même si Chan ne pouvait pas le voir, il était certain que Hyunjin devait arborer une expression rassurée.
Ils posèrent leur repas sur la table basse, Hyunjin se vautrant littéralement dans sa chaise longue — oui c’était la sienne, personne d’autre n’avait le droit d’asseoir ses fesses sales dessus. Et Chan retrouva le confort de son fauteuil. Malgré la douche, il commençait à se sentir douloureux, même s’il faisait ça tous les jours, son corps s’habituait difficilement à tout ce sport, à la prise de médicament régulière et au combat contre le virus.
— Bon appétit !
Et Hyunjin n’attendit pas pour déballer son okonomiyaki, et croquer dedans, laissant un « mhh » satisfait résonner. Chan l’observa un instant, avant de lui-même s’attaquer à sa galette. C’est vrai que c’était bon, et ils devraient décidément en remanger plus tard.
Pendant le repas, aucun d’eux ne parla vraiment, l’un bien trop occupé à dévorer sa galette, l’autre trop occupé à l’admirer. C’était reposant, la routine. Être là, assis sur leur terrasse, à observer la nuit noire, sans aucune chance de pouvoir voir les étoiles à cause de la pollution lumineuse, avec le bruit irrégulier des voitures qui passaient en contrebas, ou des gens qui rentraient chez eux.
Lorsqu’ils eurent tous les deux terminé de manger, Chan se laissa enfin aller dans le fauteuil, tentant du mieux qu’il pouvait de relaxer ses membres douloureux. Il ferma les yeux, et entendit Hyunjin se relever, et faire il ne savait quoi. Il n’ouvrit pas les yeux pour avoir la réponse à sa question, et se laissa balloter par l’envie de dormir, impossible à satisfaire tant qu’il ne serait pas dans leur lit.
— Est-ce qu’un massage te dirait ?
Après quelques minutes, Hyunjin était revenu, et s’était assis à califourchon sur Chan, mains sur ses épaules. Il pressa doucement la peau sous ses doigts, descendant pour sentir les muscles du dos un peu trop tendus à son goût.
Chan ouvrit finalement les yeux, observant Hyunjin un instant, ses beaux yeux de serpent, verts et avec des fentes fines pour les pupilles. Il savait que Hyunjin voyait particulièrement bien grâce à ses yeux, ce qui était plutôt pratique quand on savait qu’avant d’être atteint par le virus, il avait une très mauvaise vue et ne pouvait pas se passer de ses lunettes. Cependant, même s’il avait gagné une bonne vue, il perdait son ouïe, devenant un peu plus sourd chaque jour.
Son regard dériva un instant vers les oreilles du plus jeune, à la recherche des appareils auditifs que Ka.Ki lui avait procuré. Certes ils auraient pu aller chez n’importe quel audioprothésiste, mais au moins avec Ka.Ki ça n’avait rien coûté. C’était un avantage sur lequel Hyunjin n’allait certainement pas cracher. Surtout que les appareils étaient très discrets. On ne les voyait presque pas, et pas du tout si on ne savait pas ce qu’on cherchait. Puis en plus de ça, ils pouvaient se connecter aux oreillettes de Chan, ce qui leur permettait de communiquer beaucoup facilement sur le terrain.
Puis le regard de Chan retourna au visage de son amant, reprenant leur voyage sur ces magnifiques traits, un peu trop parfaits à son goût. Ses lèvres, surtout étaient tentatrices, appelant à tous les péchés du monde. Surtout les piercings qu’elles accueillaient. Ces « snake bites en forme de fer à cheval à bout pointu » que son amant aimait tant. Les embrasser — embrasser Hyunjin tout court — était une passion dont il n’arrivait pas, et n’avait pas envie, à se défaire.
Ce n’était évidemment pas Hyunjin qui allait se plaindre de ça, invitant même Chan à l’embrasser, comme s’il le challengeait de le faire, de faire rencontrer leurs lèvres. Et le plus vieux le faisait évidemment à chaque fois, comme pour rappeler au plus jeune que ce n’était pas lui qui avait tourné autour de lui sans faire le moindre premier pas pendant près de deux mois.
Et encore une fois, à l’instant Hyunjin sourit, comprenant tout ce qui se passait dans sa tête, comme si Chan était au fond un homme un peu simplet, dont les désirs n’étaient pas discrets du tout. C’était d’ailleurs le cas, il était un homme aussi simple que compliqué, comme tout le monde sur cette Terre, aimait à dire Hyunjin.
— Bon, t’attends quoi ?
Chan marmonna un « rien » avant de prendre le visage de Hyunjin entre ses mains et de le rapprocher jusqu’à ce que leurs lèvres se rencontrent pour la énième fois.
Le ballet que menaient leurs lèvres, leur langue, était une danse bien à eux, bien rodée après des mois d’entraînement, et comme tout le reste, c’était naturel. Doux et intense à la fois, passionné, parfois un peu paresseux, c’était une rencontre qui ne ratait jamais de faire exploser les émotions dans leur cœur, comme la toute première. Ce qui ne manquait jamais de rendre fou Chan, cependant, était les petites morsures que lui infligeait Hyunjin avec ses crochets. Heureusement qu’il n’était pas venimeux.
À bout de souffle, ils finirent par s’éloigner, Chan retournant dans la contemplation de l’homme parfait assis sur ses genoux qu’était Hyunjin, un titre bien long pour une personne qui le méritait amplement.
— Alors ce massage, oui ou non ?
— Avec plaisir.
Et sans attendre, Hyunjin se releva, tendant une main pour aider Chan à en faire de même et aussi pour le guider vers l’escalier, puis leur chambre. Laissant le plus vieux s’installer sur le lit, Hyunjin partit rapidement dans la salle de bain pour aller chercher différentes huiles. S’il pouvait faire la prestation complète, il le ferait.
— Huile sensualité, vitalité, ou relaxation ?
Chan dut retenir un rire en observant Hyunjin et les trois bouteilles qu’il tenait. Il n’avait décidément pas besoin de quelque chose favorisant la sexualité pour en adopter l’humeur.
— Relaxation ?
Hyunjin hocha la tête et posa les deux autres bouteilles sur la commode, avant d’ordonner Chan à enlever son débardeur et de s’allonger sur le ventre. À peine deux minutes, Hyunjin posa ses mains huilées sur les épaules de son « client ». Il savait ce qu’il faisait, s’étant entraîné à ça pendant les nombreux mois passés avec lui. C’était que leur routine était vraiment bien peaufinée.
Appuyant sur les points de pression clés, Hyunjin fit de son mieux pour détendre les muscles de Chan, tout en faisant en sorte que ce fût agréable. Et il fut très satisfait en entendant son amant bailler, continuant son massage avec encore plus d'entrain, tout en restant doux. S’il arrivait à faire oublier au plus vieux ses tracas — leurs tracas — le temps d’un instant, il le ferait avec plaisir. Peu importait ce qu’il devait faire.
— Ça fait du bien ?
Il avait pris une voix un peu plus sensuelle qu’il ne le voulait, et au vu de la manière dont il avait frissonné sous ses doigts, cela n’avait pas été sans effet. Un petit sourire fier apparu sur ses lèvres, en même temps qu’il lui répondait par la positif. Chan avait la tête tournée vers le côté, alors Hyunjin pouvait voir ses traits détendus, à deux doigts du sommeil.
Pourtant, il semblait aussi combattre ce même sommeil, alors que Hyunjin savait à quel point ils n’étaient pas amis. Les nuits que Chan avait passé à se retourner, et se re-retourner dans leur lit était une preuve suffisante du fait qu’il devrait peut-être se laisser emporter dans les bras de Morphée, là.
Mais Hyunjin ne dit rien, passant simplement ses mains partout dans le dos de Chan, faisant attention à ne pas trop titiller la base de ses ailes. Par contre il s’attarda sur le tatouage d’auréole, qui était là bien avant que les ailes ne commencent à pousser. C’en était d’une ironie sans nom, sans fin.
— Retourne-toi, s’il te plaît.
Même si concrètement, un massage du dos était suffisant, Hyunjin n’allait pas manquer de se faire plaisir en passant ses doigts experts sur le torse de son amant. S’il pouvait en profiter, il n’allait jamais dire non. Et Chan le savait très bien, se retournant dans un soupir, puis il ouvrit les yeux, pour observer Hyunjin le masser, ou plutôt le tâter.
— Arrête de me regarder comme ça, tu me déconcentres !
— C’est toi qui me touches en prétextant un massage, Hyunie…
— Mais en même temps t’es musclé…
— Et puis avoue que tu aimes me toucher, mh ?
Les mains de Chan avaient retrouvé leur place sur les hanches de Hyunjin, et un sourire taquin ornait désormais ses lèvres, alors que Hyunjin rougissait à vue d’œil. C’était tellement simple de le déstabiliser, de le taquiner jusqu’à ce que son joli minois devienne rouge… Il adorait ça.
N’essayant pas de résister à la tentation, Hyunjin se pencha — s’allongea — sur lui pour l’embrasser une nouvelle fois. Si Chan était faible pour les lèvres de Hyunjin, ce dernier n’était pas mieux. Il avait presque constamment besoin de sentir les lèvres de son amant contre les siennes, sur sa peau… Partout, tout le temps.
Et même si Chan était un peu plus discret que Hyunjin pour montrer ses désirs, il était presque tout aussi désespéré, ses mains glissant sur Hyunjin, par-dessus ses vêtements. La chaleur montait rapidement, l’avidité aussi, et bientôt, Hyunjin embrassait son cou, laissant ses crochets caresser la peau tendre.
Des soupirs et des frissons étaient les réponses de Chan, et Hyunjin décida de retourner à ses lèvres…
Et sans qu’il ne pût l’expliquer, Hyunjin sentit que quelque chose n’allait plus. Il quitta les lèvres de Chan pour l’observer un peu plus attentivement, inquiété par son silence soudain, ses yeux fermés, son immobilité.
— Chan ?
Pas de réponses, simplement une respiration difficile. Hyunjin continua d’appeler Chan, caressant sa joue, la panique montant au fur et à mesure dans sa voix. Il allait se lever pour appeler Ka.Ki lorsque Chan ouvrit enfin les yeux, et c’est là que Hyunjin comprit.
Bordel il aurait dû lui dire de ne pas utiliser son pouvoir de merde. C’était impossible de prédire une crise. Soit elles étaient immédiates après utilisation de la force surhumaine, soit ça pouvait prendre quelques heures, voire un jour ou deux…
Les yeux de Chan étaient complètement noirs, les veines autour de ses yeux noires également, et il respirait difficilement, lâchant des grognements de douleur et d’effort alors qu’il combattait le virus.
— Chan !
Hyunjin se maudirait d’avoir perdu quelques secondes avant d’appeler Ka.Ki, se maudirait de ne pas avoir compris plus tôt.
Mais sur le moment, il avait paniqué, les réactions s’échappant de son esprit sans qu’il ne pût y faire quoi que ce soit. Même si ça n’avait duré que quelques secondes, elles étaient trop précieuses pour qu’il panique comme ça. Heureusement que tous les appartements de l’immeuble possédaient tous un bouton d’appel d’urgence, qui dépêchait une équipe dans les plus brefs délais.
Mais quand même. Quelques secondes qui avaient encore plus éloignées l’aide de Chan.
Hyunjin resta à ses côtés, appelant son nom, caressant et tapotant son visage pour le ramener avec lui. Cette crise n'était pas la première, mais elles étaient toujours surprenantes et terrifiantes.
— Monsieur Hwang, écartez-vous s’il vous plaît, nous nous occupons de lui.
Et Chan de son côté, entendait vaguement ce qui se passait autour de lui, entendait vaguement la voix paniquée de Hyunjin, pleine de sanglots qu’il essayait de contenir. Il entendait les employés de Ka.Ki tenter de le faire s’éloigner. Mais surtout, il entendait la pulsation rapide de son cœur, le flot continu du sang dans ses veines, de froissement de ses ailes contre le matelas. Il sentait tout ça à un degré presque insupportable, puis une aiguille pénétra la peau de son cou, à quelques millimètres de l’endroit que Hyunjin embrassait à peine dix minutes auparavant.
Et puis il sentit la douleur refluer, les sons s’atténuer, sa vision s’éclaircir. Il allait être gardé conscient pendant tout le trajet jusqu’au quartier général de Ka.Ki, parce que le rendre inconscient dans son état permettrait au virus de se propager davantage.
Et personne ne voulait ça.
(⚔️)
Bonsoir!
à la base fnff était supposée être légère et un peu drôle mais chan m'a dit d'aller me faire foutre <33
j'espère néanmoins que l'os vous a plu!! je me suis bien amusé.e à l'écrire personnellement alors j'en suis assez fier.e hihi
également un gros merci à arly pour m'avoir relu!! <3
peut-être y aura-t-il une partie deux, selon si le cœur m'en dit 🤭
sur ce, bonne soirée!!
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