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CÉRÈS | CHAPITRE 1




































































Royaume de Chô-Seon,

ancienne Corée réunifiée,

Jeong-Guk, 02 Avril 1525.


































— D —


Le sol gisait à mes pieds. Mes mains pleines la terre labouraient le par-sol sous le saule printanier. Mes genoux s’y enfoncèrent et un hoquet me lança à la senteur de nature dont je ne m’accoutumais guère. La brise saisonnière effleura mes joues et je me surpris au sourire en tenant mes souvenirs entre mes paumes. La neige laissait place à une floraison de primevères en ce début de mois ; et je me plus à sentir le renouveau m’embaumer de sa pitié. Les rayons solaires nourrissaient mon hâlé de grain en dépit de ce jour qui se tarissait au fil des heures. Je pensais à la beauté de mon entour et espérais de mon ici-bas que Tae-Hyung me contemplait de son éternelle beauté. Ses cendres reposaient là, sous la couche verdoyante. Et une mélancolie me grigna dès lors que sa mémoire me rossa.

Vingt-et-un ans passèrent depuis les tragiques événements de Chô-Seon. Je ne vivais guère plus à la capitale qui, autrefois, accueillait les manants de ma rébellion. En moi, peu de choses qui changea. Mes cheveux ébènes étaient seulement au plus court et bien que mon âge n'avait eu la cesse de croître, je restais d'un charme insolent, d'une indolente splendeur qui palissait la jalousie même. Et à présent, plus de jeune demoiselle ; uniquement un monseigneur permanent par la grâce de mes traits durcis par le temps. En vingt-et-un ans, je m'étais rangé du côté des plus sages.

J'offris un massage à l'argile qui se faisait gadoue sous mes doigts experts. Et je gratifiai, d'une prière, l'homme qui naguère fut le seul être que je n'avais jamais aimé. Parce que sa souvenance ne devait se taire et ne se tairait pas jusqu'à ce que mon esprit me fasse défaut. Nul ne se souvenait plus de lui tandis que je luttais pour ne point les imiter. Je ne possédais pas d’explications d'une chose si curieuse. Et lorsque j'en discutais, on me rappelait que mon imaginaire resterait sans nulle limites et que non, Kim Tae-Hyung n'avait ne serait-ce qu'un peu existé. Amertume. Pourtant, le voilà qui, de ses cendres, se laissait détendre sous mes dactyles malins. Était-ce le fruit de mes souffrances antérieures ? Ou ne resterais-je qu’un fou hors de la société des Hommes ?

Mes lèvres se pincèrent, je contractai la mâchoire et maudis chacun des êtres qui méprisaient l’homme que je devenais : 

Un salaud qui enseignait le combat.

Je refermai le trou béant à l’ombre de mon arbre et à mesure que filaient mes pensées, je sentis une humide froideur couvrir mon crâne et ruisseler le long de mon échine. L’eau claire me surprit et me contraignit à élever mes pupilles aux cieux. À travers la lisseur trempée de ma mèche de jais au-devant de mon front, je perçus la prétentieuse silhouette de mon seul étudiant adossé entre deux branches de mon saule pleureur. Je ramenai mes noirs de jais vers l’arrière de ma tête humide, et le toisai d’agacement.

On disait souvent, à la capitale, que l’élève ne tombait jamais très loin de son maître.

— T’a-t-on déjà dit que tu étais vraiment laid avec tes cheveux courts ? s’excusa ce brun.

— T’a-t-on déjà dit que tu n’étais qu’un sale petit con ingrat ? Dégage de là, Ryong-Ho.

Le cadet, au-dessus de ma tête, exprima un rire de mépris à ma rétorque. Alors, je me surpris à me plaire sous ces railleries incessables du Prince héritier de Chô-Seon.

— Quoi ? Tu vas me punir pour avoir versé mon verre sur toi ?

— Devrais-je ?

Si je devais le gronder, ce serait pour avoir affirmé de ma prétendue laideur. J’étais Jeon Jeong-Guk, et je restais infiniment séduisant.

Un pli creusa mes sourcils tandis que je me mis sur pieds. Kim Ryong-Ho me dévisageait de ses grandes ambres et à l’habilité, descendit de sa branche à ma face. Son nez aquilin témoignait de sa joliesse graciée par les dieux. Ses cheveux à la couleur des miens luisaient sous le soleil saturnien. Des lèvres pleines et nonchalantes ; des courbes généreuses, un appel à la prudence. Kim Ryong-Ho était d'une force au-delà de l'humain ; il possédait maîtrise de l'armement et vantait ses exploits auprès de la gent. Je faisais face à cet homme-là du vice qui me moquait de sa supériorité de rang. Je détestais cet enfant.

J'apportai la paluche à son lobe que je tirai au gémissement de sa douleur.

— T'es complètement cinglé, Jeong-Guk.

— Tu auras vingt-et-un ans, on dirait que tu en as dix. Remonte à l’arbre et continue de t’entraîner.

Néanmoins, il restait l’unique fils de l’homme que, jadis, j’aimais. Ledit rouspéta, je l’entendis. Après tout, pourquoi s’épuiser ainsi alors qu’il était prince et sous la protection de son père d’au-delà et ses ancêtres ? Je le contemplais qui s’éloigna, pieds traînants. L’impétueux se lança à la grimpe du saule qui nous était quotidienne. Par cela, un seul but m’animait : celui d’une reconquête, la sienne. Aux dépens de celui qui, pendant quinze ans, fut mon frère aîné. J’abordai un regard à l’horizon de la cité que j’avais fui. Aujourd’hui, je ne m’y sentais plus chez moi. 

Je possédais mon foyer hors de la capitale, loin de la cour puisqu’il se trouvait là où j’avais une nouvelle famille et un fils à élever encore. Voilà l’existence que je décidais de mener. Et elle était une existence pour le mieux.

💮   💮    💮

Les heures allaient, et toujours, Ryong-Ho s’échauffait à l’arbre, suspendu la tête vers le bas. Par maintes fois, il redressa son tout entier ; et à chacune de ces fois, ses pupilles se firent révolvers en ma direction. Cet homme ne restait rien qu’un enfant de la chance. Bien que son père ait été abattu, il n’avait pas échappé à ma figure paternelle pour l’éduquer, lui loin de la haine rebelle que l’on m’inculqua à l’époque. Je ponctuai cette pensée du trifouillement des affaires que je préparais avec minutie. Des coupoles pour s’hydrater, quelques pièces, deux fruits vermillions issus d’un grenadier à l’arrière du bâtiment.

Mon fils adopté acheva sa doucereuse torture au sommet de son végétal et partit à la rencontre de nos montures. De mirifiques bêtes à la croisée d’un Pur-sang et d’un Cheju qui se distinguaient par une robe alezane pour l’une, et un pelage pie pour l’autre. Je scrutais la douceur au regard de mon cadet lorsqu’il défit les liens qui tenaient nos chevaux à l’entrée de nos terres. Il avait toujours préféré les animaux ; avec eux, il se montrait plus honnête, plus vrai, tellement plus humain. Et cela me confortait dans l’idée de le conduire à la capitale en ce jour si singulier.

Les célébrations de Dano.

Le royaume était à l’arrêt pour vingt-quatre heures et à une demi-journée à galop, nous y serions. Les danses évoluaient au travers de la foule, les rituels s’époumonnaient pour chasser les esprits malins. Des futilités qui plaisaient tant au moi du passé. À quarante ans, je ne restais plus tout à fait le même. Or, plus que l’âge, il s’agissait de mes rencontres et mes désencontres. La sienne, il y a vingt-et-une années. Les jours où je me montrais ici se faisaient à la rareté ; il était évident que plus je m’en tenais loin et mieux, je serais. À l’an 1525, je ne revenais que pour jouir d’un repos mérité à la suite d’autant d’heures d’entraînements. J’en profitais également pour que Ryong-Ho témoigne de la grandeur du pays qui serait bientôt sien. L’imbécile ne s’en souciait pas et se contentait d’une sommaire observation des fêtistes. De la grande allée, les femmes tissaient des étoffes tandis que les plus virils des hommes luttaient sous la poussière et l’oeil curieux des visiteurs. Çà et là, les rires enchanteurs fusaient ainsi que divers éclats d’émerveillement alors que les plus habiles se plaisaient à des jeux de balançoire. Depuis que Ga-Ram régnait, le royaume semblait prospère. Toutefois, je gardais le sentiment d’une fallacieuse image, tout me paraissait si beau pour perdurer. J’avais tout de même de nombreux doutes : après tout, je ne venais à la ville qu’une fois par an.

— Ryong-Ho, tu…

Je pivotai, ledit s’en était allé. Un soupir caressa mes pleins croissants de chair. À mon derrière, j’analysai les recoins s’offrant à ma vue. Nulle trace de mon protégé et ce n’était finalement pas plus mal. Cette vermine n’écoutait rien si ce n’était son orgueil. Une plaie comme je n’en voyais jamais. Et j’en restais foncièrement dingue. À sa naissance, personne n’avait accouché de mon propre sexe. Lorsqu’à la mort de Tae-Hyung, j’appris pour la grossesse de son épouse, je me jurais de m’occuper de cet enfant. Alors je revins. Je revins un jour de juillet alors qu’Ah-Reum enfantait dans un hanok à l’abandon. Elle fut surprise mais m’accepta. La raison de ma subite disparition était simple : je tombais malade après ce baiser échangé au cyanure dans la dépendance de la cour. Or, le chagrin m’accabla de long mois et me rendit inapte aux gestes. Un sourire de fortune croquit mon derme à la souvenance de ce passé. Je repris route et mon coeur sévit contre mes tempes lorsqu’il effleura une épaule svelte parmi le monde. Un noeud m’obstrua la gorge, je me figeai et alors, j’offris mon chagrin à la clarté du jour.

Tae-Hyung, si tu voyais comme ton fils grandissait, tu l’adorerais… Je t’avais dit que je n’aimais pas les enfants. Je ne te le pardonnerais pas. Jamais.

De curieux fourmillements prirent possession du bout de mes doigts. D’un revers, je me débarrassai de mes pleurs et poursuivit ma lancée. Quand est-ce que ma peine se tarirait ? Je vivais avec et cela était sombrement insupportable.

J’approximai certains commerces dont les propriétaires psalmodiaient les prix. Des rejetons courraient et me bousculaient, parfois. En ce cas, ils s’inclinaient en articulant un allègre “Pardonnez-moi, monseigneur”. Je ne rétorquai que par un râle bougon.

— Regardez qui voilà, héla une marchande à mon égard.

Je lui adressai une incline en salutation. Mes venues se faisaient à l’exception mais pourtant, certains me reconnaissaient comme des leurs depuis des années.

— Vous avez une petite mine, monseigneur.

— Je me demandais s’il y avait des choses intéressantes à voir dans le coin.

Un mutin étira ses labres à ma demande. L’octogénaire vint à mon lobe comme mûe par le désir de me révéler un terrible secret. Elle se pendit à mon bras, un air infiniment sérieux vissé à sa face. Une nervosité secoua mon gosier, je me sentis soudainement vomitif.

— Un homme est arrivé à la capitale. On raconte qu’il vient d’un ailleurs et que sa grâce, seule, suffit à faire pâlir les gens de désir.

— Vous plaisantez ?

— Seigneur, non ! Pardonnez mon manque de courtoisie mais cet étranger est… rafraîchissant.

Mon arcade s’éleva en écho. J’approchai la malingre dame qui rosissait à l’évoque de ce gens. Un sourire de pandémonie déguisa ma commissure et alors, ma langue me la rendit humide. Sans doute fut-il de même effet pour la commerçante qui balbutia sa parole. J’apposai la dextre sur le haut de son crâne sitôt que je sentais que je gagnais de son attention.

— Serait-il plus exaltant que je ne le suis ?

Je quémandai sans défaire mon havane orageux de ses ridules.

— Non… Non, monseigneur. Vous, vous êtes… Merveilleux.

— Sublime, ajoutai-je.

— Sublime, oui.

— Incroyable, n’est-ce pas ?

Je riotai sans la gêne de séduire celle qui avait deux fois mon âge. J’amenai ses mèches de jais au-derrière de son oreille calcifiée. Lors de longues secondes, je la considérai en méditant sur cette silencieuse souffrance que dégageait cette femme du peuple.

— Monseigneur, qu’y a-t-il ?

Je voulus lui demander à quel point son corps l’amenait à la souffrance. Or, ce fut seul un souffle qui fleura ma bouche. Je repris mon esprit et articula une succinte rétorque. Je saisis sa glousse à l’étouffement et m’emparai à l’aléatoire d’une couronne de blé ornant son étal.

— Je vous prends ça.

De ma poche, je sortis ma grenade chatoyante et lui proposai en paiement sans qu’elle n’eut à redire quoi que ce soit. Je lui adressai un oeil entendu et alors qu’à demi-mot, elle me priait de ne pas partir si vite, je m’inclinai et m’en allai. L’amertume pâtait en ma bouche. Les beaux jours succédaient au diluvien crachin qui persista au mois dernier. Un contentement fila sur mes attraits et alors, je pensai qu’il était temps que mon accompagné connaisse mieux le royaume de ses conquêtes futuristes. Cette idée ne plairait guère à sa mère qui pensait à la croyance d’un futile projet. Malgré ces craintes, le fils n’éperdait son objectif ultime ; le mien, par alliance. Ga-Ram paierait. Il paierait pour tout.

À mesure de mes pas, je m’enlisais dans la dense foule. Hommes et femmes jouaient aux coudes pour l’espoir de demander les désavérés conseils de chamans ou dans l’intention de remplir leurs poches de quelques pièces. Les âmes éternellement juvéniles dansaient à l’entour des bassins qui nous gardaient des feux de l’astre solaire. Ryong-Ho se hâta de me rejoindre, nourriture à la dextre. Un effluve raffiné taquina mon odorat ; la cannelle épousait le miel d’une perfection sans pareille. J’apposai un oeil sur sa grignote et m’étonnai à trouver son plaisir soudain, amusant.

À mesure de mes pas filaient mes songes. Je parvins à un monde rassemblé duquel s’échouait, contre mon ouïe, une importante cacophonie. Un pli fronça mes sourcils, je me frayai chemin parmi la masse virevoltante. Je tenais une attention sur mon accompagnant qui lambinait de ses pieds. Je me détachai du peuple et atteignis le devant de la horde paysanne. Avec une méquiétude ahurissante, les gueux scandaient les noms des garçons qui faisaient de la lutte dans le sable. Deux petits enfants dont le sang jouissait de leurs tempes égratinées. Un hoquet me secoua ; le rire de l’héritier, de plus belle.

— Ça ne semble pas très légal…

— Ça ne l’est pas, répliquai-je à l’abasourde.

Les combattants, les enfants, témoignaient de sagacité à chacun de leurs coups portés. Mon palpitant me brûla et m’abrutit l’oreille de faire cesser cette clandestinité approuvée. J’amorçai une semelle vers l’avant mais je me figeai lorsque je compris que l’homme à l’origine d’une telle cohue se montrait là du sommet de sa tribune. Il était celui que mon épaule effleura au marché ; je le reconnus de sa seule stature dorsale. Et je devinai qu’il était, par ailleurs, celui que la commerçante désignait comme plus attrayant que je ne l’étais. Des inepties.

Je piétinai les chemins. Je les foulai sans détacher mes sombres fascinantes de cet étranger. Je cheminais tant que mon torse frappa celui d’un autre à mon devant. J’élevai les pupilles et les imbriquai dans celles de l’herculéen. Pendant un temps qui sembla durer des minutes, nous nous dévisageâmes. Le premier qui détournerait le regard serait le dernier à vaincre…

— Laisse les gamins partir.

Pas une rétorque ; uniquement un léger papillonnement amusé qui m’irrita un peu.

D’ennui, je déviai le chef de l’enfoiré pour montrer curiosité à celui dont le rire transcendait l’air et m’ébranlait le coeur. Il pivota au zénith et cette fois, mon tout-entier vibra de cette silhouette que je reconnaissais même au-delà de la mort. Je me sentis inapte au mouvement. Son intérêt certain le conduisit à ma basseur et à chacune de ses foulées, c’était mon corps qui soubresautait d’espérance. Je le perçus de sa gracile grandeur dont j’avais perdu la coutume. Il arpentait les rues et les ruelles d’une noble marche à la fois différente mais si semblable à celle que je discernais à chaque fois. Son châtain allait au noir ; or, d’indociles mèches blondes déguisaient la forme à demi-ronde de son visage. Ses pupilles balayait l’assistance d’un ambre qui suffisait au hapage d’un millier d’âmes juvéniles. Doucement, son sillage croisa mon sillon et alors, je compris son sens. Son nez racé m’accablait ; et sa bouche, habillée d’un sourire, se tordit alors de contrariété à la vue de ma paume enserrant brusquement son poignet. Je l’examinai et me troublai à la rencontre de cet homme qui semblait si lui, si ce Kim que j’eus aimé dans une vie qui n’était plus la même. Ma lèvre s’entrebâilla de mie sans jamais qu’un soupir ou parole ne franchisse son seuil. Le monde s’agitait à nos alentours mais le mien se figea, pupilles au vide comme si une souvenance lointaine surgissait abruptement. Mes paupières offrirent mes sombres à la nuit tandis qu’un virulent crachat se bloqua dans ma gorge.

— Hé. Lâche mon poignet, tu veux ? J’ignorais que c’étaient… Tes enfants.

Sa parole m’ébranla, sa si familière voix que je n’entendais pas depuis une vingtaine d’années. J’apposai l’intérêt, à nouveau, sur l’homme qu’il devenait et que malgré tout, je reconnaissais par la singularité de ses royaux traits. Le temps se dissolut peu à petit ; je réalisais qu’il me fallait rétorquer. Cependant que dire lorsque tout se bousculait et que tout ce que l’on pensait chimère d’un esprit tortueux s’avérait en allant au-delà du réel ? Que répondre à ce désormais inconnu qui témoignait à ma face alors que je l’imaginais autre qu’un physique si reconnaissable ? Sa main en revers sous mes orbes me tira de ma lugubre léthargie ; Kim Tae-Hyung me considérait à l’oeil d’une anxiété à laquelle il m’habitua dans notre vie précédente.

— Je n’ai pas d’enfants…

Ma riposte. Tout ce que je parvins à lui formuler. Un rictus vint habiller sa commissure au mépris certain qu’un jeune homme de son acabit pouvait éprouver pour un quarantenaire tel que moi.

— Et lui ? Ce n’est pas ton fils ?

Il m’interrogea, désignant Ryong-Ho à mon dos. Je désirai à l’instant l’injurier de sa fausse route puisqu’il s’agissait de son enfant, en réalité.

En silence, j’opinai et l’ouïs moquer mon embarras évident. Un merveilleux sourire s’épanouit à sa face. Et lui, il avait un putain de merveilleux sourire…    

— Tu n’essayais pas de me séduire ?

Je n’arrêtais jamais d’essayer. Il existait bien des choses dont je rêverais de lui souffler au creux de l’oreille mais je me le rappelais vivement ; ce Tae-Hyung ne restait que le fruit de mon inconscient. Doucereusement, je fis non de mon chef et abandonnai son bras plus tôt emprisonné sous ma paume. Lorsque je lui répondis, il sembla éprouver une équivoque déception. J’amenai mes ébènes vers l’arrière en exultant ma contrarie ; l’impression de devenir fou me captura.

— Vous… Tu ressembles à quelqu’un que j’ai connu.

— Je ne suis pas lui, navré. 

Mon palpitant cogna ma cage au thorax. La veille encore, je répétais à mon protégé que je me montrais trop âgé pour oser prétendre à quelconque emballement cardiaque. Amoureux, ou alors à la lisière de la mort, quelle différence. Je me surpris à l’esquisse d’un contentement et reculai d’un pas. Cet imposteur me quémandait pardon, je m’en fichais éprisement. Cet homme, si vénal mais aimant autrefois, émanait une chose différente à présent. Seul, il restait un appel à la débauche ; un appel à ce qui se faisait au vice et de tout son lui, épelait les perfidies commises au nom de sa profession clandestine. Si j’imaginais Tae-Hyung, aujourd’hui, il restait certain que l’image première me venant ne serait celle d’un contrebandier. Et cette pensée suffit à me causer de nombreux maux.

Je n’ajoutai rien et lui tournai le dos dans un terrifiant mutisme qui interpella mon fils adoptif. La vue brumée de chagrin, j’apposai mes sombres sur sa forte figure qui me rappelait à chaque seconde à quel point il similait son père biologique lorsqu’il avait son âge.

— Tu fais une tête d’enterrement, Jeong-Guk. Quelqu’un est mort ?

Ryong-Ho me charria.

— Je t’ai dit de ne pas m’appeler comme ça en public…

Je grognai puisqu’il devait me nommer comme un petit à son “papa”, et que personne ne devait se douter d’où il venait réellement.

À mon derrière, je sentais continuellement le curieux intérêt de celui qui n’était qu’une imposture de mon sein. Je poursuivis ma route ; mes prunelles rencontrèrent les dalles au sol tandis que je tirai le cadet à ma suite. À diverses fois, je l’entendis à la plainte de ma paume enserrant si fort l’avant de son bras. Pour autant, je ne me figeai pas un peu. Pas après mes pensées ébullies ; et certainement pas après avoir croisé ma vicieuse hantise. Je martelais mon esprit échauffé et par multiples moyens, je tentais de donner essence à cette physique ressemblance entre le passé et le présent. Tous deux s’entremêlaient tels les amants voués à une mort au futur ; comme ce fut le cas naguère lorsque je l’empoisonnais sur les planches de la dépendance royale.

Je tressaillis de mon tout entier. Et d’un revers, je nettoyai ces pleurs au chagrin de ma face. Après tout ça, je ne me consolais pas de cette perte puisqu’elle était analogue à un membre que l’on m’arrachait au détriment de mon organe vital qui battait à relents. Après tout ça, je gagnais en sagesse ; or, mon émoi ne seyait qu’au souvenir de ma royale guimauve.

À côté, je sentis un jugement pondre dans la pupille de Ryong-Ho qui ne m’interrogea pas. Je n’aurais rétorqué à ce petit con. Pas une remarque ; pas une explication. Seulement un silence abruti qui me consumait d’intérieur. Mon cadet demeurait le portrait de son père physiquement ; du reste, tous deux restaient différents. L’un était à la taquine ; l’autre à l’orgueil. L’un témoignait de prudence ; l’autre similait l’inverse. Somme toute, le brun était semblable à Ah-Reum. Sa mère, unique être pour lequel il daignait obéir à mes enseignements. Mes desseins se profilaient dans son esprit juvénile ; Ryong-Ho récupérerait le trône qui lui était dû, mon ambition depuis la disparition de Tae-Hyung qui laissa sa place à mon aîné trop grand pour être un peu frère.

Ga-Ram me donnait des nouvelles, parfois. Or, je ne lui renvoyais que le rien du fait de ma haine incommensurable de ce qu’il incarnait. Sa couronne tomberait ; sa tête roulerait à mes pieds comme les régnants précédents. Cette fois, je ne montrerais nul regret que celui de ne l’avoir arrêté plus tôt. Ma tête tergiversa longuement et alimenta mon désir de conquête d’un royaume qui n’était pas mien. Plus de sentiment vindicatif, à présent ; juste une furieuse envie de justice.

💮    💮    💮

Une demi-journée à galop nous séparait de la capitale. Le hanok dans lequel nous vivions était à mille milles de toutes terres habitées ; et seules nos régulières allées nous gardaient au contact d’une population plus misérable. Celle qui fut mienne et qui ne demeurait plus qu’un amas de doucereuse réminiscence. Ma jument, à l’encolure attachée à mon arbre, me permit un oeil à l’égard des pousses printanières au-devant de l’habitation. Je me chus à la terre ; Ryong-Ho ne tarda pas à joindre sa mère par l’intérieur. À la frénétique, je creusai la brune fertilité comme mû par une volonté archaïque. À mesure de mes gestes, la profondeur se fit jusqu’à ce que je cognai de mes phalanges un contenant en céramique. L’urne funéraire de mon impétueuse guimauve ornait son environnement d’un joli matériau à la couleur de ses yeux. Ainsi, lorsque je la contemplai, des heures parfois, c’était comme si je plongeais à nouveau dans son ambré captivant ; c’était comme s’il me capturait et me forçait encore à l’amour. Je la saisis entre mes mains ; une nervosité se formait en ma gorge tandis que je peinais à avaler ma déglutition. La forme ronde de l’objet contraignait ma prise à s’adapter mais je n’en fis pas cas. Cette boîte, je ne l’avais pas revu depuis la crémation ; elle était intacte. Une chose devait se confirmer en moi ; ce fut pourquoi j’ouvris précautionneusement le couvercle à l’instant où une bourrasque vint me frapper de sa force. Mon ébène ne s’éleva que de sa courte longueur ; mes sombres se baissèrent et découvrirent cette chose que depuis tant, je redoutais. Les cendres s’offrirent à ma vue. Et alors, ce fut à l’instar d’un coup que l’on m’assénait au coeur.

L’urne fila de mes paumes et s’échoua dans son trou. Je me refusais à la croyance de quelque chose que ce fut. Néanmoins, je ne m’empêchai de me demander comment et pourquoi la déception m’accablait tant. Tout cela… Toutes ces choses que je pensais au plus loin du présent se tenaient à mon devant, sa mort que je croyais oubliée. La volonté de vomir me prit à la trachée et mes fesses touchèrent la dureté du par-terre.

Ma face se décomposa, et je suffoquais.

"La mort n'est pas la fin, mais le début d'une nouvelle aventure. Ne craignez pas l'inconnu, embrassez-le avec courage."

Confucius.

Un sourire s’épanouit sur mes lèvres ; mes paupières se fermèrent et mes épaules se relâchèrent. Je rejetai mon chef aux cieux et m’emplissai de gratitude au fil des secondes. Le destin se moquait et avec le temps, je finissais par trouver ses jeux foncièrement amusants. Je m’efforçai de me lever, glissant mes doigts dans mes mèches de jais. Une conviction me gagna alors et ne voulut me quitter au regard de l’objet sous mon ombre : l’urne funéraire portait les cendres de mon amour révolu et pourtant, je me persuadais du contraire. Un soupir caressa ma lippe alors qu’avec peine, je quittai cet endroit pour rallier mon domicile.

J’arpentais le plancher qui grinça sous mes pas. Je rasais les murs et les cloisons sans jamais lever ma tête comme si je craignais que le sol ne se dérobe sous mes semelles. Dans les corridors, un effluve à l’estragon serpentait et chatouilla ma narine. Le plafond semblait si bas que le bois s’abimait à chaque crâne qui s’y heurtait. Et Ryong-Ho, le premier, de son mètre quatre-vingt-cinq. Je le croisai au détour d’un couloir puis le revis, des minutes plus tard, accoudé dans un coin de la chambre. Le regard à l’ailleurs, il tenait une pipe entre ses lèvres ; et lorsqu’il m’aperçut, une fumée grisonnante sortit de sa longueur. Je m’accoudai au seuil du battant et scrutai l’arrogant qui allait au culot de se rebeller sous mon toit. Un gamin insupportable, il me rappelait celui que j’étais.

Je l’approximai et m’avachis, yeux rougis, à son côté. Calmement, je lui pris son tabac et clopinai à mon tour sans me redresser du ventre sur lequel je m’allongeai. J’exprimai un souffle gris. Et je l’ouïs, mon cadet se plût de ma complicité à son action.

— T’es bizarre, aujourd’hui. Qu’y a-t-il ? Je croyais que je n’avais pas le droit de fumer.

Il fit.

— T’es pénible… Je ne suis pas d’humeur.

— Tu n’es jamais d’humeur, Jeong-Guk.

— Si j’étais toi, je profiterais de ma pipe en silence parce que ça n’arrivera pas deux fois, t’entends ?

Je lui tirai un rire à mon avertissement lorsque la porte claqua. De là, Ah-Reum apparut dans son éternelle robe d’apparât ; la seule qui lui restait de son ancienne vie. Elle me gratifia d’un sourire presque imperceptible que je devinai sous la pâleur de son visage. Mon épouse était d’une élégance terrifiante.

— Comment s’est passé votre sortie à la capitale ? Tu as pu voir les danses comme tu le voulais ?

Si elle savait, me répétais-je sans n’avoir la cesse. Je ne rétorquai rien et ancrai mes prunelles dans les orbes de celui qui, trait pour trait, ressemblait à son géniteur.

Mes songes revenaient à lui ; à cet homme de la foule dont l’éclat au regard ne pouvait trahir qu’un désir de vivre. Ses pupilles à la couleur fauve demeuraient ma hantise au-delà de ces vingt-et-un ans passés sans le confort de ses lèvres. Dans mon regard, un orage qui rageait et m’étreignait à la souffrance de ne rien savoir. Un doux frémissement vibra mon échine et dans un couinement, allié au désespoir, le nom de mon Kim vint caresser ma parole. Ah-Reum, de curiosité, me porta un intérêt tandis que je déterrais religieusement les fantômes d’un passé si douloureux, encore. À l’appui contre le sommier, je croisai l’inquiétude de la femme qui m’interrogea en silence. Je n’étais que peu certain des mots prochains que j’emploierais, ou du peu de rationnel qu’il me restait. Or, un souffle cueillit mon courage et me permit de poser cette question qui me tourmentait depuis tant.

— Ah-Reum… Est-ce que vous croyez à la réincarnation ?



































































CÉRÈS | CHAPITRE 1

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