Le soleil était déjà sur le point de se coucher lorsque Minho et Jisung revinrent à la villa. À peine rentrés, ils durent faire face à Sujin. Cette dernière se trouvait sur la terrasse à l'arrière, penchée sur son téléphone. Impossible de l'éviter. Elle demanda à Jisung de la suivre, elle avait à lui parler et, après un dernier regard en direction de Minho, il accepta. Refuser la confrontation ne servait à rien, il voulait avancer.

Pendant ce temps, Minho resta à l'extérieur. Il passa le temps à envoyer des messages à son groupe d'amis afin de leur expliquer dans les grandes lignes ce qui s'était passé. Il était heureux, très heureux même, mais il ne pouvait pas s'empêcher de stresser. Il ignorait ce qu'ils étaient en train de se dire, s'ils se disputaient, si Jisung allait devoir faire face à son père et toute l'université en rentrant de ses vacances. Ça ne le concernait pas vraiment, mais il se mettait à sa place. Chan tenta de le rassurer comme il put, et il lui répéta surtout de profiter sans se soucier de ce qui se passerait après son retour.

Il soupira et se cala contre le dossier de la chaise, la tête basculée en arrière. Ce n'était pas si simple finalement. Il y avait tant de choses qui changeaient dans sa vie, tant d'évènements qu'il devait anticiper. Il allait quitter le lycée pour entrer à la fac dans peu de temps, et il se demandait si son couple avec Jisung tiendrait jusque là. Il le souhaitait plus que tout. Il avait envie de le découvrir, de vivre de nouvelles expériences avec lui, de partager un nouveau quotidien en sa compagnie. Il secoua la tête pour se reprendre. Certes, il ne désirait qu'une relation sérieuse, mais il ignorait si la leur fonctionnerait. Pour le moment, ils étaient en vacances, loin de leurs tracas et de leur vie habituelle, alors tout semblait idyllique. Tout pouvait changer une fois de retour à Séoul, il n'avait aucune garantie. Il devait garder ça en tête, sans pour autant gâcher la joie qui s'était immiscée dans sa vie.

— Vous avez bien voyagé ?

Minho se redressa quand son père sortit. Il lui fallut un petit temps de réaction avant de hocher la tête. L'homme tira une chaise et s'installa, les bras croisés sur la table sans jamais lâcher son fils des yeux.

— C'est bien que tu sois devenu ami avec Jisung.

— Hm, oui, il est sympa.

Minho força un sourire. Il était incapable de dire quoi que ce soit d'autre devant son père. Il n'allait tout de même pas s'extasier sur Jisung, et surtout pas lui dire qu'ils s'étaient embrassés et qu'ils sortaient ensemble désormais. Ça allait faire beaucoup. Il se contentait de dire qu'il était sympathique, tout en prenant un air un peu détaché. Alors qu'au fond de lui, il avait envie d'exposer toute l'admiration et l'amour qu'il ressentait à son égard. Heureusement, il pouvait le faire avec ses amis, et plus particulièrement avec Chan ou Hyunjin, qui attendaient toujours des détails croustillants.

— Ça n'a pas l'air d'aller fort avec Sujin…

Minho déglutit, mais garda toujours son expression faussement enjouée. S'ils avançaient sur ce terrain, il avait bien peur d'être incapable de faire semblant.

— Je sais pas trop, dit-il.

— J'ai l'impression qu'ils se disputent beaucoup.

Il serra les dents et les poings. Si seulement son père savait tout ce que leur relation cachait… Mais jamais il ne se permettrait de balancer quoi que ce soit. Cette histoire concernait Jisung et Sujin, peut-être lui aussi, mais il n'avait pas envie de trop mettre son nez dedans. Il en avait déjà assez fait la veille lorsqu'il avait tiré Jisung dans sa chambre, et même aujourd'hui lorsqu'ils avaient pris la décision de fuir tous les deux. Et puis, il trouvait ça vraiment bizarre de discuter de cette situation avec son père.

— C'est un couple, j'imagine que c'est normal, marmonna-t-il. Toi aussi tu te disputais beaucoup avec maman.

L'homme battit des cils à plusieurs reprises.

— Ça n'avait rien à voir, Minho. Enfin, la situation était compliquée.

— Peut-être qu'elle l'est là aussi.

Il grommela.

— C'est vrai. Et je sais que tu as beaucoup souffert de ces disputes. On en a jamais parlé mais…

— Et c'est pas la peine d'en parler, l'interrompit-il.

L'homme fronça les sourcils.

— Je veux dire, c'est trop tard maintenant, ce qui est fait est fait. C'est pas parce qu'on va en discuter que ça changera quoi que ce soit, ça fait plus de deux ans maintenant et j'ai bien compris qu'elle reviendrait jamais.

— J'aurais dû me montrer plus présent pour toi.

Minho haussa les épaules et baissa la tête. Il se rendait compte que son père et lui n'avaient jamais eu cette discussion auparavant. Ils évitaient de parler de ce qui faisait mal, de ce qui avait tant fait souffrir leur famille. Minho avait mis du temps à accepter le fait que sa mère soit partie, qu'elle ne lui donne que très peu de nouvelles, et il en avait toujours plus ou moins voulu à son père de l'abandonner lui aussi d'une certaine manière. Il avait rencontré Hyejin et s'était donné corps et âme dans cette nouvelle relation. Il n'accordait à son fils que du temps pour le pousser à étudier davantage et ça, Minho n'avait jamais réussi à passer au-dessus. Il aurait aimé qu'il se soucie de sa santé, de son bien-être, avant de se soucier de ses notes et de l'image qu'il allait donner. Pour autant, il ne se sentait pas capable de le dire à son père, parce qu'il ne voulait pas entrer en conflit ou le blesser. Ou sous-entendre qu'il avait été un mauvais parent.

— J'espère que tu sauras me pardonner pour ce qui s'est passé.

— Arrête, c'est bon maintenant.

— Je sais que j'ai pas été exemplaire moi non plus, et que malgré tout j'ai rejeté la faute sur ta mère.

— Papa… J'ai pas envie de parler de ça. Mais genre, vraiment pas. En plus Hyejin est vraiment gentille avec moi et elle fait tout pour que je me sente bien. Et là, je veux juste profiter des vacances sans penser à des trucs comme ça.

L'homme acquiesça et se leva.

— Tu as raison, excuse-moi.

Un petit silence s'installa avant qu'il ne reprenne la parole :

— Tu sors ce soir ?

— Oui, je vais voir les autres au camping. Et Jisung vient avec moi.

— Tu vas dormir là-bas ?

— C'est pas prévu mais si je décide de rester, je t'envoie un message.

Son père le remercia avant de céder la place à Jisung qui revenait. Minho analysa rapidement l'expression de son visage, tentant de deviner s'il allait bien ou non, mais il n'y parvint pas. Il attendit qu'il se décide lui-même à parler. Jisung soupira.

— C'est bon, lança-t-il simplement.

Minho haussa un sourcil.

— C'est-à-dire ?

— Je te raconterai en route. On voit tes amis ce soir, non ?

Il hocha la tête, un mince sourire étirant ses lèvres. La soirée s'annonçait intéressante. Il quitta sa chaise en quatrième vitesse, il n'y avait pas de temps à perdre. Il voulait vite se retrouver hors de la villa avec Jisung, retrouver ses amis, et passer du bon temps avec tout le monde. Incapable de se séparer du sourire béat ancré sur ses lèvres, il déverrouilla le portail à la hâte alors qu'ils n'étaient même pas encore arrivés en bas de l'allée.

— T'as l'air pressé, s'amusa Jisung.

Il se contenta d'acquiescer et accéléra le pas pour sortir au plus vite. Une fois hors de la propriété, Minho eut l'impression qu'un poids venait de s'envoler de ses épaules. Il soupira et leva les yeux vers le ciel maculé d'étoiles.

— Mon vœu s'est réalisé, dit-il tandis qu'ils avançaient dans les rues.

— Ton vœu ?

— Oui, celui que j'ai fait à la pluie d'étoiles filantes.

— Et c'était quoi ?

— Que tu deviennes mon petit ami.

Jisung laissa un rire filer.

— Le mien aussi s'est réalisé.

— Oh… Donc je peux aussi savoir ?

Il vint chercher la main de Minho pour la serrer dans la sienne. Peu de gens passaient en voiture à cette heure là, et les lampadaires n'éclairaient pas assez pour que quiconque remarque ce geste.

— C'était de t'embrasser et de te tenir la main, avoua-t-il.

— Romantique, se moqua Minho.

— C'est toi…

— C'est moi ?

— C'est toi qui me rends romantique.

Ils échangèrent un regard timide, bien heureux que la pénombre ne dissimule leurs pommettes soudain devenues rouges. Minho ne pouvait pas rêver mieux que ces instants passés tous les deux, ces petits moments où ils n'avaient pas besoin de parler davantage pour comprendre ce qu'ils ressentaient.

— J'ai dit à Sujin que c'était vraiment fini entre nous.

— Ça s'est passé comment ?

Jisung expira tout l'air de ses poumons.

— Pas si mal finalement.

— Vraiment ?

— Hm, elle a un peu crié. Elle a dit que j'étais un imbécile et que de toute façon elle comprenait même pas pourquoi elle avait jeté son dévolu sur moi.

Il ne put s'empêcher de rire à cette phrase. Sujin avait tout fait pour qu'ils sortent ensemble, elle l'avait fait chanter pour obtenir ce qu'elle désirait, et désormais elle agissait comme si elle n'avait jamais été véritablement intéressée.

— Elle est vraiment pas gênée… marmonna Minho.

— Je lui ai demandé ce qu'elle comptait faire maintenant, si elle avait prévu de tout balancer pour se venger, et elle a dit qu'elle y réfléchirait. Mais je lui ai assuré qu'en fait, j'en avais rien à foutre.

— Jisung…

Il resserra sa poigne sur la main de Minho.

— Vraiment, ça m'est égal. De toute façon j'ai plus envie de me cacher et comme je t'ai dit, si je suis avec toi c'est pour du sérieux. Je sais que c'est con dit comme ça, parce que c'est les vacances, on est un peu euphoriques et…

— Je veux vraiment essayer, l'interrompit-il. Je veux vraiment qu'on essaye de construire un truc toi et moi.

Jisung afficha un mince sourire et fit un léger mouvement de tête avant de répondre :

— Moi aussi. Je veux pas m'engager là-dedans si c'est pour que ça s'arrête à la fin des vacances. C'est bizarre mais j'ai jamais ressenti ça avant. Pourtant, j'ai eu beaucoup d'aventures, je vais pas te le cacher. Mais avec toi, c'est différent.

Minho se sentit rougir de plus belle. Il était sur un petit nuage duquel il ne voulait plus jamais descendre. Oui, il avait conscience qu'une fois de retour à Séoul, la vie serait différente. Il retournerait au lycée tandis que Jisung reprendrait son quotidien d'étudiant à l'université. Ils ne pourraient plus se voir aussi souvent, chacun aurait des obligations. Mais si les choses fonctionnaient entre eux, ils trouveraient des solutions.

— J'aimerais vraiment beaucoup que ça fonctionne nous deux, dit-il d'une petite voix.

— Si on fait tout pour que ça fonctionne, y'a pas de raison, non ? Et puis si c'est nos emplois du temps respectifs qui te font peur, on trouvera bien des moments pour se voir. J'ai un logement étudiant, je suis pas toujours fourré chez mes parents donc tu pourras venir.

— Hm, si mon père me laisse plus de liberté.

— Il t'en laissera, j'en suis sûr.

Ils arrivèrent à proximité du camping, alors ils se lâchèrent la main. Minho restait sceptique. Est-ce que son père deviendrait un peu plus indulgent avec lui ? Est-ce que la discussion qu'il avait voulu instaurer avant qu'il ne s'en aille n'était pas dans ce but ? Il avait senti qu'il cherchait à se racheter du mal qu'il avait pu lui faire, du peu de considération qu'il lui avait apporté ces dernières années, alors peut-être était-il prêt à lâcher du lest. Si tel était le cas, Minho serait ravi. Il n'avait pas d'amis au lycée, il ne sortait jamais et n'allait pas facilement vers les autres, ce serait l'occasion d'avoir du temps à consacrer à son petit ami. Il sourit. Jisung était désormais son petit ami, et il n'arrivait pas à y croire. Ils s'étaient embrassés, câlinés, ils avaient passé la journée tous les deux et la soirée ne faisait que commencer. Il espérait qu'elle soit longue, qu'ils puissent profiter encore longtemps de ce moment que la vie leur offrait.

— On doit les rejoindre où ?

— Au mobil-home de Hyunjin. Chan a dit qu'ils avaient prévu de la bière et du soju.

Jisung attrapa le poignet de Minho pour l'inciter à s'arrêter.

— On peut… ne pas boire ? demanda-t-il.

— Euh, oui, t'as le droit de pas boire si tu veux. Je vais pas te forcer ou quoi que ce soit.

— Mais est-ce que toi aussi ?

Minho fronça les sourcils, peu certain de comprendre où Jisung voulait en venir. Il lui demanda de s'exprimer davantage, mais il le trouva étrangement évasif, voire même intimidé. Et ça ne lui ressemblait pas. Décidément, il découvrait une facette de lui complètement différente de l'idée qu'il s'était faite au départ. Il le pensait assuré, expansif et téméraire mais plus les jours passaient, et plus le jeune homme se montrait réservé.

— J'ai envie qu'on soit sobres, tous les deux. Je veux pas qu'on fasse des choses sans en avoir le souvenir le lendemain. Ou que l'un de nous deux oublie.

Minho déglutit. Cette conversation prenait un tournant auquel il ne s'attendait pas. L'embarras de Jisung était palpable, et il ne put s'empêcher de sourire en le voyant si gêné.

— Tu disais qu'on avait le temps de se découvrir, s'amusa-t-il.

— Oui ! Et c'est pour ça que je préfère qu'on soit… Enfin si tu veux boire, y'a pas de problème. Oublie ce que j'ai dit.

— Non, t'as raison. J'ai pas envie de revivre le moment malaisant où je me souviens que j'ai voulu t'embrasser.

Ils rirent de concert. Mais c'était à partir de cet instant que les choses avaient commencé à évoluer entre eux. L'envie si forte que Minho avait éprouvée avait au moins permis à Jisung de lui avouer que ce qu'il ressentait était réciproque. Et depuis, tout s'était enchaîné si vite, et si bien aussi.

Ils reprirent leur chemin pour arriver au mobil-home de Hyunjin. Ce dernier était installé sur la petite terrasse en bois en compagnie de sa petite amie, mais aussi de Felix et Changbin. Ils se saluèrent, ils avaient déjà commencé à boire une bière tout en dégustant quelques chips. Chan les rejoignit, armé d'un grand sac en plastique duquel un bruit de bouteilles en verre qui s'entrechoquaient sortait. Jeongin et Eunmi se montrèrent quelques minutes après, accompagnés de Seungmin. Ils étaient allés se promener sur la plage tous les trois pendant que les autres préparaient tout pour la soirée.

Minho et Jisung se lancèrent un regard lorsque Chan leur proposa de boire, et ils refusèrent. Ils n'allaient pas se laisser voler cette nuit pour un peu d'alcool. Ils préféraient avoir les idées claires, juste au cas où quelque chose se passait entre eux.