🏵️ chapitre 16
Le moment était venu de reprendre la route. Minho et Chan s'étaient à peine adressé la parole suite à leur altercation d'un peu plus tôt. Ils se trouvaient sur le pas de la porte avec leurs affaires, prêts à partir vers de nouveaux horizons, le cœur bien plus lourd qu'à leur arrivée à Sacramento. Chan n'arrivait toujours pas à digérer la manière avec laquelle son compagnon lui avait parlé. Il s'était déjà montré dur envers lui, mais pas aussi agressif. Ça n'allait pas être simple de refaire un pas vers lui, alors il espérait que Minho soit capable de s'excuser sans qu'il n'ait besoin de le supplier. Il n'avait aucune envie de se disputer avec lui et si la situation ne s'arrangeait pas, il serait forcé de repartir à Santa Cruz chez son oncle. Pourtant, il était persuadé qu'il devait continuer ce périple, accompagner Minho jusqu'au bout, mais comment pouvait-il le faire si ce dernier se comportait ainsi ?
Et puis, la discussion qu'il avait entendue entre Héléna et lui tournait en boucle dans sa tête. Quelque chose de terrible était arrivé, quelque chose que Minho s'efforçait d'enfouir au plus profond de lui et qui pouvait expliquer ce besoin insatiable de s'évader par tous les moyens. Il voulait fuir la réalité en arpentant les routes et en fumant. Il cherchait à ne plus penser, à ne plus réfléchir, pour ne plus souffrir.
— Minho… l'interpella Héléna d'une voix douce.
Le concerné releva la tête et un petit sourire étira sa bouche.
— Tu reviens quand tu veux, d'accord ? Tu es le bienvenu ici, si tu as besoin d'un endroit où te reposer, si tu as besoin de parler, ma porte te sera toujours grande ouverte.
Il acquiesça, sans jamais lâcher son expression mêlée de joie et de nostalgie. Chan se sentait impuissant et perdu face à cette scène. La tension était insoutenable. Jake s'approcha de Minho et enroula les bras autour de ses jambes.
— Tu vas me manquer tonton Minho.
Il déglutit, les larmes lui montaient aux yeux mais il s'efforça de les contenir. Il s'accroupit au niveau du petit garçon et lui saisit une main avec une bienveillance inouïe. Dans son regard, on pouvait lire qu'il était désolé, qu'il s'en voulait.
— Tu seras sage avec maman ?
— Toujours ! Mais tu vas revenir quand ?
— Je sais pas encore.
— Bientôt hein ?
Minho ne répondit pas. Il se contenta de lui ébouriffer les cheveux avant de se redresser et Chan se sentit comme écrasé par le poids d'une atmosphère bien trop lourde. C'était insoutenable, si bien qu'il avait presque hâte de remonter dans le van pour continuer la route qui les attendait. Pourtant, il avait aimé ce court séjour chez Héléna, pouvoir profiter d'une soirée tranquille devant un film, d'une nuit agréable dans les bras de Minho, même si le lendemain n'avait pas été aussi sympathique à cause de leur pseudo-dispute.
— Chan, prends bien soin de Minho. J'ai été heureuse de te rencontrer. Et ce sera un plaisir de te revoir.
— Tonton Chan aussi tu vas me manquer ! intervint Jake.
— Toi aussi, mais j'aurai tes dessins pour penser à toi.
Le petit garçon sautilla sur lui-même avec entrain, satisfait de cette réponse. Chan l'observa, le regard empli de questionnement mais aussi d'admiration pour ce petit être plein de joie de vivre. Il était insouciant, loin des tourments qui assaillaient Minho, loin de la réalité de ce monde qui pouvait se montrer cruel. Il avait l'impression de voir son compagnon de voyage lorsqu'il fumait, lorsqu'il oubliait tout ce qui l'entourait et qu'il retrouvait la liberté qu'il s'était construite grâce à des illusions.
Oui, maintenant Chan comprenait aisément que cette liberté, Minho l'avait inventée de toute pièce. Malheureusement, les fondations n'étaient pas solides et un jour, elle finirait par s'écrouler. Et il voulait être présent ce jour-là pour l'aider à sortir des décombres.
Jake leur fit un dernier câlin avant que Héléna lui dise qu'ils devaient vraiment partir et qu'ils reviendraient. Après d'autres salutations, Minho grimpa dans le van, Chan à ses côtés, et il démarra pour sortir de l'allée de garage. Il klaxonna pour annoncer son départ, Jake sautillait encore sur le pas de la porte, agitant son bras levé avec frénésie. Puis l'image de cette joyeuse maison s'effaça et le véhicule prit un tournant définitif dans une autre rue. Le silence régnait dans l'habitacle, jusqu'à ce qu'un lourd soupir ne vienne le briser. Chan lança un regard vers Minho, ce dernier gardait les mains crispées sur le volant, fixé sur la route devant lui. Son visage ne démontrait aucune expression, il semblait vide. Vide de toute émotion.
— Et maintenant ? On va où ?
— On va s'arrêter à Stockton pour manger et y passer la nuit. Si tu veux, on peut trouver un motel.
— Il faut surtout que je lave des fringues, rit Chan. Les miennes sont plus très fraiches.
Minho hocha la tête.
— On va s'occuper de ça alors.
— Est-ce que…
Chan s'arrêta, se rendant compte qu'il allait poser une nouvelle question à son acolyte et que peut-être, il finirait par l'agacer.
— Quoi ?
— Rien, laisse tomber.
— Chan, s'il te plaît.
Le véhicule s'arrêta à un feu et face à l'absence de réponse, Minho soupira tout en se laissant tomber en arrière contre l'appui-tête.
— Pourquoi t'es comme ça ? demanda-t-il.
— Comment ? répliqua Chan, une pointe de surprise et d'énervement dans la voix. Ce matin tu m'as envoyé chier, je me suis senti minable et…
— J'suis désolé, l'interrompit-il. J'suis vraiment désolé. Je sais j'me suis comporté comme un con, j'aurais pas dû.
Le van redémarra et arriva sur une route qui longeait le fleuve. Chan observa le paysage défiler par la fenêtre, pensif, mais surtout heureux que Minho prenne l'initiative de s'excuser.
— C'est bon, t'inquiète pas.
— J'veux pas que tu penses que j'suis un connard. J'veux dire… d'accord on baise et c'est génial, mais crois pas que je te considère comme un objet. T'es un mec bien, j'sais que tu me respectes et que tu penses pas qu'au cul avec moi. Et je te remercie pour ça.
Chan baissa la tête pour dissimuler son sourire et ses joues qui s'étaient empourprées. Ce qu'il venait de lui dire, ça lui allait droit au cœur. Il voyait enfin Minho baisser sa garde et se confier sur son ressenti. Il avait enfin accès à une petite partie de son intimité, autre que physique. Et là, il se sentait spécial. Il avait espoir qu'il continue à se dévoiler, à lui faire part de ses pensées, de ses joies, de ses peines. Il voulait qu'il lui fasse confiance, qu'il comprenne qu'avec lui, il n'avait pas besoin de se cacher, de jouer un rôle. Il pouvait être le véritable Minho, sans crainte. Chan ne le jugerait pas et serait là pour lui accorder son soutien. Mais ça, c'était peut-être un doux rêve. Ils ne seraient pas éternellement à ses côtés, la Corée attendait son retour et il laisserait Minho qui reprendrait sans doute sa vie comme s'il n'avait jamais été là.
— Merci de m'avoir dit tout ça. J'avais peur qu'on se prenne la tête.
— C'est ma faute, marmonna Minho. J'ai flippé.
— Pourquoi ça ?
— J'sais pas. J'ai l'habitude de voyager seul, de pas avoir d'attache et là… j'me retrouve avec toi, tous les jours.
Chan fronça les sourcils. Voyager seul ? Pourtant, il avait dit à Héléna qu'il avait emmené quelqu'un visiter les lieux qu'il aurait aimé voir. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ?
— À cause de toi, mes plans sont chamboulés ! ajouta-t-il en riant.
— Tes plans ? Tu devais juste aller à Half Moon Bay, non ?
— Hm, ouais. T'inquiète pas, c'est rien. Et puis j'suis bien accompagné, franchement de quoi je me plains ?
— Arrête, je vais vraiment finir par mourir de gêne.
— Meurs de gêne si tu veux, mais t'es un mec bien Chan. Et pas seulement au lit, même si au lit t'es une bête et que j'adore ça.
Minho rit à gorge déployée et lui tapota la cuisse. Il avait retrouvé le sourire qu'il semblait avoir perdu dès l'instant où ils étaient arrivés à Sacramento. Chan ne pouvait pas être plus heureux de le revoir ainsi, il aimait voir la joie animer son visage marqué par les épreuves qu'il avait dû affronter.
Ils roulèrent durant une heure trente avant que Minho ne s'arrête à l'entrée de Stockton, à une station-service. L'air était empli d'une chaleur étouffante, les températures n'avaient fait qu'augmenter au fil de la journée et malgré les boissons qu'ils avaient prévues, ils n'en avaient pas eu assez. Ils descendirent du véhicule et Minho s'étira, il posa les mains dans le bas de son dos et grimaça.
— Tu voudras un massage ?
Il haussa un sourcil et esquissa un sourire malicieux.
— Si c'est avec finition, j'veux bien.
— Fini… quoi ?
Minho s'amusa de l'expression perdue de Chan.
— Tu sais pas c'que c'est ?
Il secoua négativement la tête.
— Tu me masses, puis tu termines sur un truc plus sexuelle. Genre tu me branles, ou tu me suces, au choix. Ça te dit ?
— Euh, oui ? Enfin…
Chan secoua la tête, pris de court par cette proposition. Minho ne perdait pas une occasion de lui faire comprendre qu'il avait envie de lui et même s'il avait rapidement pris l'habitude, il était toujours un peu décontenancé devant son aplomb sans faille.
— Allez, j'vais fumer un peu et en attendant, t'as qu'à aller nous ravitailler en boissons.
Il l'observa contourner le van pour ouvrir la portière arrière et se servir dans le petit meuble en bois. Il sortit tout ce dont il avait besoin et commença à disposer son herbe et son tabac sur la feuille. Il allait se remettre à fumer, et ça l'embêtait de le voir à nouveau céder à cette tentation. Il avait pourtant réussi à se tenir depuis qu'ils avaient quitté Stoneman Meadow, alors pourquoi replongeait-il d'un seul coup ?
Chan soupira et le laissa faire. Il n'avait pas le courage d'entre une fois de plus en conflit avec Minho, pas après ce qui s'était passé ce matin. Il avait conscience qu'il aurait dû intervenir, mais c'était au-dessus de ses forces. Il tourna les talons et rejoignit l'intérieur de la station-service. Il repéra les grands réfrigérateurs et en scruta le contenu avec soin. Il se demanda ce qu'il pourrait prendre pour Minho, quels étaient ses goûts. Et il se rendit compte qu'il ne le connaissait que très peu. Il attrapa deux bouteilles d'eau et deux canettes de soda, au moins il ne se mouillait pas trop, et la prochaine fois il prendrait le temps de demander à Minho ce qu'il voulait. Il sourit tandis qu'il déposait ses articles devant le caissier. À bien y réfléchir, Minho serait capable de lui balancer une cochonnerie plutôt qu'une véritable réponse. Il paya les boissons et les rangea dans un sac plastique pour les transporter plus aisément.
Une fois hors du petit magasin, des voix fortes parvinrent jusqu'à lui, et l'une d'elles lui était familière. Il pressa le pas et aperçut Minho, adossé au capot de son van, avec face à lui un homme un peu plus grand qui faisait de grands gestes. Il semblait menaçant, l'index pointé vers son compagnon de voyage. Chan se hâta dans leur direction, soucieux de voir la situation dégénérer.
— Fous-moi la paix, j'rigole pas, lança Minho.
— Mais tu te prends pour qui ?
L'homme s'approchait de plus en plus de Minho qui, quant à lui, ne pouvait pas reculer davantage. Bientôt, il se retrouverait coincé entre cet inconnu et son véhicule.
— J'ai dit que j'étais pas intéressé, maintenant dégage.
Il tapota sa roulée pour faire tomber les cendres au sol avant d'à nouveau tirer dessus. Il envoya toute sa fumée au visage de son vis-à-vis.
— Pourtant t'as l'air d'être une belle trainée !
— Pas pour des mecs dans ton genre. T'es loin d'être mon type.
— Allez, l'encouragea l'homme en saisissant son poignet. On va s'amuser.
Chan, essoufflé, arriva à leur niveau et sans même attendre, repoussa l'inconnu d'un geste brusque. Il l'obligea à lâcher Minho et s'interposa entre eux.
— Qu'est-ce que tu lui veux ? cracha-t-il.
— Oh j'ai compris, t'as déjà quelqu'un pour te faire ramoner.
Il détailla Chan des pieds à la tête avant de pouffer de rire.
— Tout doux, j'voulais juste m'amuser avec ta pute.
— Qu'est-ce que t'as dit ?
Chan laissa tomber le sachet contenant les boissons et sa mâchoire se serra. Constatant que la situation pouvait dégénérer très rapidement, Minho se redressa et empoigna le t-shirt de son compagnon.
— Laisse tomber, il allait partir.
— J'ai dit que je voulais m'amuser avec ta pute, répéta l'homme. Ça va, t'as bien entendu cette fois ?
Ni une, ni deux, Chan se jeta sur l'inconnu pour lui coller son poing en pleine figure. Il l'attrapa par le col et lui asséna un deuxième coup sans plus de cérémonie. L'homme, déséquilibré, se retrouva sonné. Chan était animé par la colère et avait décidé qu'il ne lui laisserait aucun répit. Il continua de le frapper avec fureur, chaque coup porté était une réponse à l'insulte proférée à l'égard de Minho. Le visage de l'homme se couvra rapidement de marques rouges et d'ecchymoses. Chan n'avait plus aucune maîtrise sur ses actions, il était poussé par une envie folle de lui faire passer l'envie de recommencer.
Cependant, la situation prit une tournure inattendue lorsque l'inconnu réussit à se dégager et contre-attaqua avec une force soudaine. Un coup de poing puissant atteignit Chan en plein visage et il fut projeté en arrière. Sonné à son tour, il vacilla, tentant de reprendre ses esprits, mais se rua à nouveau sur l'homme. Il le fit tomber au sol et lui rendit la pareille. C'était à n'en plus finir. Tout s'était transformé en une violente altercation, où les coups s'échangeaient avec férocité. Autour d'eux, des gens s'étaient agglutinés pour observer la scène et s'indigner. Certains parlaient d'appeler la police, et Minho prit peur. Il réalisa que l'intervention de Chan avait provoqué une situation encore plus dangereuse, alors il se précipita vers lui pour lui saisir le bras et l'empêcher de continuer.
— Arrête ! Calme-toi !
Chan se stoppa et se releva, il secoua la tête pour reprendre ses esprits. La colère flamboyait toujours dans ses yeux, mais il réalisa que la violence ne résoudrait rien. Il se recula lentement, mais restait prêt à intervenir de nouveau si nécessaire. Il cherchait avant tout une issue rapide à cette confrontation. Il porta la main à sa bouche, le sang ruisselait de sa lèvre fendue.
— Fils de pute ! cria l'homme au sol.
— Chan, faut qu'on se taille, et vite.
Minho pressa Chan de quitter rapidement les lieux, craignant que les choses ne s'enveniment davantage. Ils savaient tous deux que rester là-bas ne ferait qu'attirer plus de problèmes. Chan prit une profonde inspiration, essayant de calmer son cœur qui battait la chamade et de maîtriser la colère qui bouillonnait encore en lui. Il jeta un dernier coup d'œil à l'homme étendu par terre, le visage tuméfié, proférant des insultes.
— T'as raison, on s'en va, murmura Chan en essuyant le sang de sa lèvre fendue avec le dos de sa main.
Il laissa Minho le guider jusqu'au van dans lequel il grimpa après avoir ramassé le sac contenant les boissons. Le véhicule démarra, l'adrénaline commença peu à peu à s'estomper, laissant place à une frustration mêlée à une sensation persistante de vulnérabilité. Chan ne pouvait se défaire du goût amer de cette confrontation, sachant que les choses auraient pu tourner bien plus mal. Il rejouait les événements dans sa tête et se demanda s'il avait pris la bonne décision en ayant recours à la violence.
— Ça va ? demanda Minho après quelques minutes de silence.
— Ouais, ça va. Mais est-ce que toi ça va ?
— Oui, pourquoi ça n'irait pas ?
Chan lâcha un long et profond soupir.
— Je sais pas, peut-être parce que ce mec t'as agressé, non ?
Minho laissa un rire concis s'élever dans le van.
— Agressé ? Arrête, il était juste un peu insistant, y'avait pas de quoi péter les plombs. C'était pas grave.
— Tu plaisantes là ? Donc je te défends et toi tu me dis que c'était rien ? Non mais tu te rends compte ?
Chan ne comprenait pas comment Minho pouvait prendre tout ça à la légère? Il s'était fait insulter, quelqu'un lui avait manqué de respect, et il considérait ça comme quelque chose de normal.
— Chan, des mecs comme ça j'en croise souvent. C'est pas le premier, et c'est pas le dernier.
— C'est pas pour autant que ce qu'il a fait n'est pas grave !
— J'suis plus fort que ce que j'en ai l'air. T'as aucune idée de ce que j'ai déjà subi, et j'ai toujours pas besoin d'un prince charmant sur son cheval blanc, j'suis pas une princesse en détresse.
La discussion ne mènerait à rien, et l'un comme l'autre le savait pertinemment. Ils resteraient campés sur leurs positions et ils n'avaient aucune envie d'aggraver les choses, surtout pas maintenant. Minho s'était excusé pour les mots durs qu'il avait eus ce matin-même, c'était inutile de repartir dans une dispute sans intérêt. Ils ne trouveraient pas de terrain d'entente.
— Merci quand même d'être intervenu.
Chan ne répondit pas, il se contenta d'un son de gorge avant de tourner la tête pour observer les rues de Stockton défiler.
— On va s'arrêter plus loin, à l'extérieur de la ville. J'irai acheter de quoi désinfecter tes blessures.
•••
Hello 🌞
Chan a un peu pété les plombs 🙄 mais fallait pas s'en prendre à Minho... On avance dans l'histoire, j'espère que la tension se fait ressentir davantage !
En tous cas, merci de lire SSS ❤️
À la semaine prochaine pour la suite !
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