Ellyn

Je fais le tour du bâtiment et une fois à l'écart, vérifie que personne ne puisse nous voir. Ça a l'air de l'énerver. Il est persuadé que c'est parce que je ne veux pas être vue avec lui. Si je fais ça, c'est seulement parce que l'équipe pourrait bien lui tomber dessus en le voyant avec moi. Qu'il pense ce qu'il veut, je m'en fous.

Je m'adosse contre le mur en brique, tire une clope de la poche intérieure de ma veste d'uniforme et lève les yeux sur lui. Les mains dans les poches, il m'observe avec ce sourire en coin qui me fout hors de moi. Il m'imite et sort une cigarette de son paquet, qu'il allume avant de tendre le briquet sur la mienne pour l'embraser. Merde, même ce geste chez lui est sexy. Il a juste allumé ta clope, rien d'exceptionnel, redescends !

Je hoche la tête pour le remercier et il ne me lâche pas des yeux. Je ne baisse pas les miens. Jusque-là, je n'avais jamais vraiment fait attention à son regard. Ses iris ont une couleur comme je n'en ai jamais vu. Un mélange de bleu et de vert clair, parsemé de petits éclats noir ici et là. Si je me laissais aller, il pourrait bien m'engloutir.

Il reste silencieux. C'est bien la première fois qu'il ne l'ouvre pas.

Lorsque je me suis réveillée le lendemain de cette soirée en boîte, j'ai réalisé qu'il nous avait certainement évité un accident. Je ne peux pas ignorer le fait que ce soit le cas. J'ai pas été cool et la moindre des choses, c'est que je le remercie. Je pensais récupérer son numéro, je ne sais comment, et lui balancer un message. C'était sans compter sur Mia, qui m'a assurée que ça ne se faisait pas. Ça fait donc deux jours que je me fais violence pour venir le voir et nous y voilà. Seulement, ce type me fait tellement sortir de mes gonds que d'un côté, ça me fait chier. Il est là, avec sa nonchalance, son sourire je m'en foutiste, son allure de bad boy blindé de tunes et son regard qui me transperce. Il éveille tout un mélange de sentiments qui me bouscule.

Je soupire et il lève un sourcil. Il m'agace. Il m'attire. Mais je le hais. Je me racle la gorge, tire sur ma cigarette et lui recrache presque la fumée au visage. C'est plus fort que moi. Un rire rauque lui échappe, comme s'il n'en avait rien à foutre et je suis à deux doigts d'exploser.

— Je sais que t'en a probablement rien à carrer, mais je voulais te remercier.

Ses pupilles s'ancrent aux miennes et revoilà son sourire en coin.

— Pour ?

Il le fait exprès. C'est pas possible autrement. Selon ma meilleure amie, je suis censée garder mon calme. Comment je pourrais alors qu'il me cherche ?

— L'autre soir, grogné-je presque.

— Oh, ça ?

Je le dévisage et tire nerveusement sur ma cigarette.

— Ouais, ça. T'étais pas obligé et tu nous as sans doute évité un accident.

— Sûrement, ouais. Tu me dois aussi des excuses.

Il veut pas cent balles et un mars aussi ? Non mais quel casse burnes.

— Je compte pas le faire. Tu me fous hors de moi, normal que je réplique.

Il hausse les épaules et relâche un nuage de fumée avant de se pencher à mon oreille. Trop près. Beaucoup trop près. Il y a danger, je pourrais lui sauter dessus.

— J'aurai essayé, me souffle-t-il d'une voix grave et légèrement cassée.

Son souffle chatouille ma peau et je frissonne. Merde, mais qu'est-ce qu'il fout ?

Instinctivement, je pose mes mains sur son torse et le repousse. Ses muscles se contractent sous ma paume et comme je m'y attendais ça ne sert à rien. Sa carrure, massive, ne bouge pas. Pourtant, silencieusement, il respecte ma demande et s'écarte de lui-même pour reculer d'un pas. La tête légèrement baissée, je devine qu'il a encore ce rictus et sa fossette que je distingue sur sa joue gauche me le confirme.

Lorsque ses iris percutent les miennes la seconde qui suit, il passe sa langue sur ses lèvres et je dois me contrôler pour ne pas l'imiter. Ok, cette fois, je ne peux plus le nier. J'ai envie de plus.

— Pourquoi me voir à l'écart ?

Il rompt le silence et le timbre de sa voix est un délice. Je plisse la bouche et me mords la joue.

— Mon ex. Tyler. J'ai pas envie que l'équipe te tombe dessus. 'Fin, tu sais comment ça fonctionne, c'est pas le premier campus que tu fréquentes, j'imagine.

Une drôle de mimique passe sur son visage et ses traits s'obscurcissent une fraction de seconde. Juste après il donne le change et acquiesce.

— Va pas t'imaginer quoi que ce soit. J'envisage rien avec toi. Seulement, eux, ils ne le savent pas, ajouté-je. Pour moi, t'es comme tous les mecs ici, un fils à papa, qui prend tout le monde de haut. Et c'est pas ton look et tes tatouages qui me feront changer d'avis.

Il serre les dents et ricane nerveusement avant de faire un pas vers moi pour approcher son visage du mien.

— Tu sais pas qui je suis, gronde-t-il. Et ton avis, je m'en branle. Puis, si tu vas par là... t'es pareille que tous ces gosses de riche. Tu te penses différente, mais ça te colle à la peau.

Je me fige et serre la sangle de mon sac dans mon poing. Il ne sait pas non plus qui je suis vraiment. Puis, merde, qu'est-ce qu'il a à se vexer comme ça ? Ce que je disest vrai. Il est comme tout le monde ici. Ses vieux sont pleins aux as.

Nous nous défions du regard, les sourcils froncés, nos souffles se mélangent et la tension est là. Comme il sait le faire, il éteint ce feu qui commençait à naître. Tant mieux, ça me demandera moins d'effort pour faire s'évaporer ce qui me perturbe chez lui et l'attise.

Il écrase son mégot contre le mur, juste à côté de moi et je me décale. Il est temps pour moi de mettre les voiles. La demande de Mia résonne dans mon esprit et sur le coup, je la maudis. Pourquoi elle a eu cette foutue idée ? Elle m'a donné ses raisons, mais j'y crois pas trop. Je suis sûre qu'elle espère qu'entre lui et moi, il se passe quelque chose. Elle martèle le fait qu'entre nous, ce serait l'osmose. Elle délire.

Atkins m'observe m'écarter et je mets un peu plus de distance entre son corps et le mien, marchant à reculons.

— Au fait, j'étais pas partante, mais Mia m'a demandé de t'inviter à sa soirée. C'est un peu sa façon de te remercier aussi. C'est ce week-end. Demande à Brad, il a l'adresse.

Surpris, il me suit des yeux, mais à aucun moment ne me laisse deviner s'il viendra. De toute façon, qu'il soit là ou pas ne changera pas grand-chose, je m'amuserai quand même.

Je tourne les talons et sens son regard sur moi. Une délicieuse brûlure, mêlant désir sauvage et haine profonde. Si lui et moi, nous nous retrouvons un jour dans un lit, sans aucun doute, ce sera l'explosion. Non, ça n'arrivera pas. Jamais.