26 - Jeu d'échecs (2/3)
Attention, cette partie contient une tentative de viol, et peut donc heurter le lecteur ou la lectrice. Ne pas la lire ne gênera pas la lecture.
******
Alors que Melinah conservait un visage ingénu, deux mains d'acier s'abattirent sur ses poignets et la tirèrent vers le lit.
— Vous vous croyez toujours plus maligne ! Vous pensiez me tromper avec vos questions, trouver un moyen de vous échapper ? Mais vous n'êtes qu'une idiote, qui ne voit jamais rien que le bout de son nez. Même si les steamglas n'existent pas, votre comté, un des plus florissants et des plus prestigieux, me fera bondir dans l'aristocratie. Les souverains vous l'ont donné pendant la chasse, je ne l'oublie pas. Alors, trêve de bavardage et consommons nos fiançailles.
Oreste la jeta sur le lit. Quand elle cria, il éclata de rire. Quand elle rampa sur l'édredon, il la laissa s'échapper quelques secondes, puis la tira par les pieds et la coinça entre ses genoux.
— Enfin de compte, continuez à vous débattre, mon plaisir n'en sera que meilleur.
Melinah ne s'en priva pas. Ses coups de poing partaient en tous sens, autant que son cœur dans sa poitrine. Elle hurlait avec l'espoir insensé qu'on l'entende. Sans succès. Personne ne surgissait dans sa chambre. Son bourreau arrachait sa robe méthodiquement, les yeux brillants de désir et de pouvoir.
Prémisse d'une déchirure intime plus violente.
— Quel solide corset ! persifla Oreste. On dirait la porte d'un lieu secret, ses trésors en valent certainement la peine. Excusez-moi, mais je dois vous attacher au lit. Vous pourriez me blesser avec vos coups.
Un premier bras fut immobilisé à un montant avec une bande de sa robe. Son sang s'affola dans ses tempes, tandis que ses efforts redoublaient.
Arrête de paniquer et réfléchis !
Hélas, son esprit ne contrôlait plus rien, il avait déserté les commandes. Son corps ruait, griffait, mordait, criait. En vain. Elle n'était plus qu'une poupée de porcelaine entre les mains d'un horrible bourreau. Alors qu'il accrochait son deuxième bras, le visage sévère de Louise surgit dans son crâne.
Si un homme tente de vous déshonorer, frappez-le de toutes vos forces à son point le plus faible. Son entrejambe ! N'oubliez pas. Son entrejambe !
Son pouls diminua et la raison reprit ses droits. Une solution s'offrait à elle, à utiliser au bon moment. Au meilleur. Son bourreau, lui, se redressait, la dominant de toute sa hauteur.
— Ne m'en veuillez pas, je ne retirerai pas votre culotte de dentelles, l'excitation me démange trop. Juste agrandir sa fente, très pratique pour notre union charnelle.
Lorsque ses doigts touchèrent l'intérieur de ses cuisses, à travers le tissu, elle lui cracha :
— Je vous tuerai !
— Avec quoi ? Vous ne savez même pas vous battre.
Faux, Perrine nous a appris.
Sa sœur l'avait entraînée, ainsi qu'Arthus, grâce aux préceptes de son maître d'arts martiaux. Malheureusement, leur brouille avait limité les exercices au minimum. Elle pouvait se défendre contre un lynx avec un bâton, mais pas contre un homme à mains nues. S'ils étaient restés unis, elle ne serait pas à la merci d'Oreste.
Tu pleureras plus tard !
Son bourreau déboutonnait son pantalon et extirpait un membre de chair raide. Melinah n'avait pas besoin d'un cours d'anatomie pour comprendre ce qui l'attendait.
Malgré sa peur qui pulsait à ses tempes, elle avait les idées claires.
Très claires.
L'instant propice arrivait, elle ne devait pas le manquer. Au moment où Oreste écarta ses cuisses pour s'insérer entre, elle rua dans une seule direction. L'entrejambe. Quand elle atteignit sa cible, son bourreau se plia en deux sur le lit avec un cri digne d'un loup écorché.
— Putain, tu vas me le...
Un coup de talon dans les nez le fit taire. Le sang gicla rouge sur la peau blanche, la joie de Melinah explosa. Son adrénaline grimpa tant qu'elle parvint à dégager ses poignets des attaches. Peut-être que se débattre avait empêché Oreste de serrer correctement les nœuds. Elle s'en fichait. Sa liberté comptait plus, se matérialisant en une porte.
Melinah sauta du lit, et courut vers sa planche de salut, mais une main attrapa un reste de sa robe. Le tissu craqua, mais ne céda pas, à en maudire sa qualité ou les couturières. Il fallait qu'elle se dégage.
Avec quoi ?
Le plateau du jeu d'échecs à trois mètres ! Trois petits mètres, pourtant si loin.
Ses pieds se battirent contre la force qui la retenait.
Deux mètres.
— Tu vas me le payer, crois-moi, et au centuple. Personne ne nous entend ici, je vais te briser.
Oreste se relevait. La peur et la détermination lui firent bander tous ses muscles dans un seul but.
Un mètre, enfin !
Les pièces du jeu d'échecs s'éparpillèrent dans une cacophonie qui résonna pourtant joyeusement aux oreilles de Melinah. Elle saisit le plateau et frappa la tête d'Oreste de toutes ses forces. Le bois massif se fendit à peine, son adversaire s'effondra avec un grognement sourd.
Il ne bougea plus et une horrible fleur sanguine s'étala peu à peu sur le tapis crème.
L'avait-elle assommé ou tué ? Melinah préférait ne pas savoir, son estomac n'y résisterait pas. Ses jambes en coton réussirent à la porter jusqu'à la porte. Quand elle l'ouvrit, l'air frais de la liberté chassa l'odeur nauséabonde de la peur.
Elle courut dans le couloir, jeta un coup d'œil vers sa chambre... et percuta un torse. Un bruit sourd contre le parquet résonna, des mains accrochèrent ses épaules. Un complice ! Ses poings se mirent à le frapper, Melinah ne se rendrait pas. Elle hurlait à l'aide.
Une paume se plaqua sur sa bouche, une voix lui parla. Elle répétait les mêmes paroles fermes. Calmes. Apaisantes.
— Melinah, c'est moi, Vincent Morisot. Vous êtes saine et sauve !
Le propriétaire du Lynx des aérocabs pour lequel Perrine s'amourachait ?
Les cheveux blancs qui étincelèrent dans la lumière du couloir le lui confirmèrent. Elle arrêta de se débattre.
— Ne restons pas ici, murmura-t-il.
Melinah suivit sans protester, soulagée de se reposer sur un allié. Il récupéra sa canne, qui expliquait le bruit sur le sol, et la fit entrer dans une pièce au hasard. La chambre de la servante, en charge de surveiller le sommeil des enfants la nuit. Son mobilier se réduisait à un lit recouvert d'un drap.
— Asseyez-vous, je vais vous chercher des habits et une boisson. Alcool, thé ou café.
Le ton dur renforçait le regard sombre et la mâchoire crispée, mais Melinah n'y lut aucun reproche. Cette attitude si différente de la bonne société rompit ses dernières résistances.
— Il n'acceptait pas l'annulation de nos fiançailles. Il... voulait, il... voulait.
Des larmes roulèrent sur ses joues, puis des sanglots. Vincent Morisot passa juste un bras autour de ses épaules, et elle s'accrocha à sa veste comme à une bouée de sauvetage.
— Je sais ce qu'il voulait, j'ai vu d'autres femmes dans Nébelisse et pas uniquement en bas. Ne culpabilisez surtout pas, ne laissez personne vous rabaisser. Seul Oreste Decalx est coupable.
— Co... comment...
— La reine nous a avertis pendant la partie de cartes, et a accéléré l'échec de votre benjamine.
La souveraine, Perrine, la mission. Melinah se détacha du cocon protecteur de Vincent Morisot.
— Je dois retrouver mon frère pour voler les carnets, il ne nous reste plus beaucoup de temps.
— Le jeu reprendra dans une demi-heure. Ne quittez pas cette chambre jusqu'à mon retour, je vais récupérer des habits chez les servantes.
Le sous-entendu résonna dans la tête de Melinah. Si quelqu'un la croisait dans cet état, sa réputation en serait ternie à tout jamais et sa famille subirait les conséquences.
Dire que j'ai failli descendre les escaliers.
Elle avait une bonne excuse, que personne n'aurait écoutée. Fuir son bourreau. Son bourreau ?
— Oreste, je... je crois... que...
— Vous défendiez votre vie, mademoiselle Beauciel. S'il est vraiment mort, les gardes de la reine m'aideront à transformer son décès en accident dans un autre endroit. Sinon, je le ferai arrêter. Oubliez-le et concentrez-vous sur les carnets !
Vincent Morisot se leva sans s'appuyer de sa canne. Avant qu'il n'ouvre la porte de la chambre, Melinah l'appela :
— Je comprends l'admiration de Daphné pour vous, monsieur, je vous avais mal jugé. Vous êtes digne de confiance. J'espère que Perrine s'en rendra compte un jour, si ce n'est pas encore le cas.
Une ombre triste froissa le visage à la peau mate.
— Votre sœur a peut-être plus raison que vous ne le croyez.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro