Épilogue
2 ans plus tard
Violet
— Punaise, si ce putain de médecin Smith ne débarque pas dans la seconde, je vais m'énerver.
Je ne peux pas m'empêcher de glousser en entendant les injures d'Eden. On est là depuis seulement dix minutes qu'elle grogne déjà et montre les dents. Évidemment, le docteur arrive au même moment, le nez dans ses documents. Une main trouve la mienne et me presse un peu. Nate me sourit pour me rassurer mais il sait bien qu'il ne peut pas me calmer. Le stress est bien présent.
Depuis deux ans maintenant, le cancer est parti. Seulement, il ya une attente de deux ans précisément avant que celui-ci ne puisse re-pointer le bout de son nez. Actuellement, seul le docteur Smith sait si je retourne pour un temps de chimiothérapie voire radiothérapie ou si je suis officiellement une survivante. J'ai passé tout un tas d'examen depuis une semaine pour vérifier chaque partie de mon corps, chacun de mes os, et on en a profité pour changer ma prothèse. Tout ça coûte beaucoup d'argent, mais je remercie cet ange gardien de Greyson qui veille sur nous.
— Bonjour, dit enfin le docteur en levant à peine le nez de son ordinateur.
Je lui réponds tout bas, Nate plus chaleureusement et Eden je ne vous en parle même pas. Si ses yeux étaient des laser, il serait déjà mort.
Je sens mon téléphone vibrer dans ma poche une fois, puis deux, et je devine facilement que Roméo doit me harceler de message. Depuis qu'ils ont donné naissance à leur petite fille, Nikki, Zack et lui sont devenus de vrais papas poules. Envers la petite, mais aussi envers tout leur entourage. J'ai dû refuser quinze fois et menacer de demander une mesure d'éloignement pour ne pas qu'ils m'accompagnent à l'hôpital. Évidemment, ils sont en bas sur le parking à nous attendre. J'inspire un bon coup et tente de calmer mon cœur qui bat à tout rompre. Dans quelques minutes, je saurais.
Je passe une main tremblante dans mes cheveux blonds, un moyen facile de me détendre. Le sentir sur ma peau me rappelle un peu plus chaque jour tout ce que j'ai fait pour être ici aujourd'hui, assise sur cette chaise. Je ne me ferai jamais à mon carré, mes cheveux longs me manquent toujours.
Le médecin claque sa langue dans sa bouche avant de se remettre à lire. Punaise, pourquoi il est si long ! Je commence à bouger frénétiquement ma jambe mais Nate pose sa main sur ma cuisse pour m'arrêter. La nervosité monte de plus en plus, c'est une horreur.
— Bon, madame Davis. Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps.
Enfin ! Accouche !!
— Vous êtes hors de danger, le cancer est définitivement parti. Je vous félicite.
— Oh putain !
Je pensais que c'était moi qui allais jurer de soulagement mais en fait il s'agit d'Eden qui pleure déjà. Ma tante me prend dans mes bras et me serre fort, exprimant tout son soulagement. Moi, en réalité, je le savais. Au fond de moi, je faisais confiance à mon corps. Après tant d'années à lui faire du mal et à lui en demander toujours plus, avoir un membre en moins m'a aidé à me reconnecter avec la réalité. Je le sentais.
— Mais par contre ce n'est pas tout, ne rangez pas vos mouchoirs.
Eden s'arrête instantanément de bouger, fixant le médecin avec une telle intensité qu'elle en fait peur.
— Crachez le morceau si vous ne voulez pas goûter à mon Gomu Gomu no Mi ! peste-elle au médecin comme un chat.
— Hein ?
— Ne cherchez pas, répliqué-je en soupirant, elle regarde trop de séries.
Le médecin rit un peu tout en regardant Eden de travers pour voir si elle plaisante ou non. Il ferait mieux de cracher le morceau, elle ne plaisante pas.
— Vos prises de sang ne sont pas bonnes, indique-t-il avec un petit air contrarié.
— Comment ça ? intervient enfin Nate qui me serre si fort la main que mes doigts sont bleus.
Décidément, j'aurai dû venir toute seule à ce rendez-vous.
— Oui, les prises de sang ne sont vraiment pas bonnes.
— C'est-à-dire ? insiste Nate en perdant patience.
Le médecin ricane avant d'ouvrir les bras.
— Vous êtes enceinte, félicitation !
— Encein...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que la main de Nate me lâche, je le vois tourner de l'œil et s'effondrer au sol comme un tas.
— Mince ! Infirmière !
Le médecin se précipite sur lui pour le mettre en PLS tandis que mon copain est en plein malaise.
J'aurais dû venir seule.
***
Je tiens Nate par la taille cette fois tandis que nous sommes devant le Milady's Club. Tout le monde nous attend pour fêter mon cancer disparut, mais surtout l'autre nouvelle dont personne ne connaît l'existence. Après son petit malaise à l'hôpital, il a fallu une bonne heure pour que Nate se remette de ses émotions et comprenne ce qui lui arrive. Il a commencé à paniquer en disant que notre appartement n'avait qu'une seule chambre et qu'il ne savait pas changer des couches, mais je l'ai rassuré en disant que ce n'est pas demain que le bébé arrive, plutôt dans plusieurs mois. En attendant, j'en connais un qui va réquisitionner la petite Nikki pour des essais couches...
Je pousse la porte et nous longeons le long couloir de tags multicolores qui changent au fil des ans. Les néons nous éclairent la peau, rendant nos vêtements plus colorés qu'ils ne le sont déjà, puis nous débouchons enfin sur la grande salle où toute notre famille nous attend. Des cris d'exclamations se font entendre quand on nous voit enfin, puis certains sifflent et d'autres viennent directement me prendre dans les bras.
Je salue chaque personne une à une, en passant des Hayes-Myers aux Howard, en passant par ma propre famille et la petite Nikki. Eden est aussi présente avec Jesse, mais elle se ronge les ongles comme si retenir le secret était le plus gros fardeau de son existence.
Attendez de voir quand on va lui proposer d'être la marraine.
Quand j'ai vu tout le monde, Greyson passe près de moi et me donne un micro. Je me retrouve sur la scène en deux temps trois mouvements sans même comprendre ce qu'il m'arrive. Nate me rejoint rapidement, passe une main pour tenir ma taille, les doigts tremblants.
— Bonjour à tout le monde, merci d'être venu ! Je n'aime pas les discours alors on va faire vite. Je n'ai plus de cancer !
Tout le monde applaudit et crie de plus belle ce qui me fait bien rire.
— Mais ce n'est pas tout !
L'assemblée se tait.
— Le médecin m'a annoncé que mes prises de sang n'étaient pas bonnes. Alors certes, je n'ai plus de jambe, plus de cancer, mais mon sang va mal.
Un silence de mort règne dans la salle. Je suis presque sûre d'entendre ma mère déjà pleurer.
— En fait... je suis enceinte.
Et c'est le déluge. Tout le monde se met à crier encore plus fort, à siffler, à nous acclamer. On vient sur la scène pour nous prendre dans les bras, pour nous féliciter et pleurer. Je ris en voyant tant d'émotions dans le regard de chacun, mais c'est surtout que je n'ai pas eu le temps de finir. J'attends un petit moment de calme pour reprendre le micro et obtenir l'attention de tout le monde.
— Je n'ai encore pas fini ! Notre très cher Nate ici présent a accueilli la nouvelle en s'évanouissant.
Plusieurs personnes explosent de rire ce qui fait rougir mon copain.
— Alors on l'a remis sur pied et on est parti faire la première échographie car je suis déjà à plusieurs semaines sans avoir de symptômes. Et monsieur a refait un malaise ! Vous savez pourquoi ?
J'obtiens un non général, sauf Eden qui se mord la lèvre en riant.
— Ce sont des jumeaux !
Nouvelle vague de foule. J'éclate de rire tandis que Nate me prend dans ses bras et me serre fort contre lui. J'hume son parfum de monoï, profite de ses cheveux qui caressent ma joue et de son corps qui protège le mien.
Il y a quelques années je pensais devenir danseuse professionnelle puis j'ai cru mourir. J'ai eu une jambe en moins et mon premier diagnostique positif. On m'a offert une prothèse puis j'ai repris le studio de danse de mon enfance. Maintenant j'ai des cheveux, j'ai une nouvelle prothèse, un amoureux et deux petits monstres qui grandissent dans mon ventre.
Dans les bras de Nate, je mets à sourire contre sa nuque. La vie dont j'ai toujours rêvé se concrétise de jour en jour, et je profite chaque fois de sentir l'air rentrer dans mes poumons, de voir les fleurs s'ouvrir au printemps, et de contempler les petits plaisirs de la vie à chaque instant. Parce que ma vie aurait pu être trop courte, j'ai choisi de la vivre comme je l'entends. Et d'être heureuse, avant tout.
FIN
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